Avec Civil War, Alex Garland nous plonge au cœur d’une Amérique en proie à des tensions extrêmes. L'intrigue suit plusieurs personnages de milieux sociaux et politiques opposés, évoluant dans un pays divisé par des années de discours polarisants, de conflits sociaux, et de désinformation. Le film explore la montée du militantisme politique, la méfiance envers les institutions, et le repli identitaire dans une société au bord de la rupture.
Le film se construit essentiellement autour d’un trio. Kirsten Dunst alias Lee est le personnage central. Joel (Wagner Moura) et Jessie (Cailee Spaeny) partagent avec elle le fait d’être des journalistes. Ils sont obnubilés par leur métier, mais aussi tiraillés par leurs doutes. Tout autour, à des degrés divers, gravitent des mais, des personnages secondaires. Touts sont pris dans la tourmente d’une guerre civile qui ravage les USA.
Au fil de l'histoire, les personnages tentent, souvent en vain, de trouver des solutions pour faire entendre leur voix et rétablir un dialogue dans une démocratie fracturée. Les thèmes de la division sociale et de la désillusion sont omniprésents, et Garland met en scène la difficulté d’établir une communication authentique entre des citoyens polarisés par des années de propagande et de rivalités politiques.
LA scène culte
L'extrait partagé est l’un des moments les plus forts du film. Le point culminant des tensions se tisse dans un dialogue de sourds. Civil War rappelle qu'une démocratie ne peut survivre sans une volonté collective d’écouter et de comprendre les points de vue opposés. Jesse Plemons est tout simplement incroyable.
La nature des questions restées sans réponse
Alex Garland a expliqué qu’il a ses propres réponses aux questions posées par le film, mais que ces réponses se trouvent de manière implicite dans le film, par indices ou suggestions, sans être explicites. Il a indique que son approche diffère de celle d’un film traditionnel, car il voulait que le spectateur interprète les scènes plutôt que de lui donner des réponses claires. Ce choix fonctionne parfaitement. Nous sommes bien seuls devant l’écran, avec nos doutes, nos questions.
Vie politique aux USA
Civil War se présente comme une allégorie puissante de la situation politique actuelle aux États-Unis, capturant les fractures sociales, économiques, et idéologiques qui s’y creusent. Garland prend le parti de mettre en scène des scènes de confrontations verbales et physiques. D’une certaine façon ceci peut illustrer comment l’hostilité et la méfiance ont remplacé le débat constructif. La tempérance n’existe plus, la modération non plus. Seule comptent les passions, sans limites.
Le président lui-même est ailleurs. Dans sa bulle, il est seul et ressemble un peu à Donald Trump, en 2020, après sa défaite.
Non je n’ai pas perdu. Le peuple me veut. Je reste.
À travers ce film, Alex Garland expose donc la réalité d'une Amérique où l'appartenance politique devient un marqueur identitaire, creusant des fossés entre amis, familles et collègues. Les personnages incarnent des archétypes de cette division : des activistes de différents bords, des citoyens désabusés qui se réfugient dans une sorte de vérité alternative, loin des tourments du monde, des personnalités politiques manipulatrices, et des électeurs dont les préoccupations ont été ignorées.
Le travail des journalistes
Les journalistes jouent un rôle central dans Civil War. Ils en sont le moteur. C’est en vérité ce qui m’a le plus durablement surpris.
Comment informer dans un contexte de méfiance généralisée et de polarisation ? Comment aborder les crimes d’une guerre fratricide ? Faut-il dénoncer, ou simplement montrer ?
Alex Garland s’efforce de montrer comment les médias, qui devraient être les garants de la vérité et de l’équilibre, sont eux-mêmes pris au piège des tensions politiques et sociales. Un journaliste, confronté à des manifestants des deux camps, doit-il hésiter à publier un reportage révélateur par crainte de représailles ou d’accusations de partialité ?
Ces questions sont au cœur de l’approche du réalisateur : souligner le dilemme éthique auquel les journalistes sont confrontés en temps de crise. Comment rester impartial et informer sans attiser davantage les tensions ?
Le film explore avec finesse l'impact des médias sur la perception des événements politiques : les journalistes, souvent sous pression pour attirer l'audience, se retrouvent dans une position délicate où chaque mot peut être interprété et détourné. Civil War met en lumière les sacrifices personnels et professionnels que ces acteurs de l’information sont prêts à faire pour maintenir leur intégrité dans un environnement qui leur est hostile. En fin de compte, Alex Garland montre comment le rôle du journaliste devient presque impossible à tenir dans une société où la vérité elle-même est mise en doute, rappelant ainsi que, sans une presse libre et respectée, la démocratie est en péril. Son rôle se résume alors simplement à montrer. À chacun de se faire son opinion.
Et le monde dans tout ça ?
C’est bien un angle d’attaque perturbant pour celles et ceux qui se croient au centre du monde. Dans cette guerre civile, dans cette crise existentielle pour les USA, le monde extérieur est absent. Point d’Européens, de Chinois, de Russes. On imagine allègrement que le désordre qui traverse le pays de l’Oncle Sam rebat complètement les cartes dans le monde entier. Ce n’est pas le propos du film. Tant mieux. Mais cette approche mériterait d’être explorée. Et bien chiche.
Vous pourrez trouver ici une proposition pédagogique pour monter une uchronie avec des élèves ou étudiants : https://cinehig.clionautes.org/civil-war.html
En attendant Civil War fonctionne très bien et, avec les élections qui viennent, pose de véritables questions. Nous serons bientôt fixés sur une partie des réponses.