Civil War
6.9
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

La paix, c'est quand même vachement mieux.

J'avoue, j'ai pris une claque. Depuis je me passe en boucle les deux morceaux qui ouvrent le film, et qui résument parfaitement l'état d'esprit dans lequel il vous plonge : Silver Apple de Lovefingers, et Rocket USA de Suicide.

Le réal, Alex Garland, assume de nous plonger dans la sidération et l'impuissance pour mieux nous faire réfléchir. Normalement je me méfie des films qui choquent et qui sidèrent, mais là il y a un vrai propos. Une vraie profondeur.

J'ai lu certaines critiques qui reprochaient au film de ne pas prendre de positionnement politique, de ne pas dire clairement pourquoi une guerre civile s'était déclenchée aux Etats-Unis, qui étaient les bons et les méchants, les démocrates et les républicains...

Selon moi c'est un faux débat. Le film n'est pas politique, il a une portée plus existentielle, plus "philosophique". Vous êtes bras ballants devant un désastre qui aurait pu être évité, et vous vous demandez, perdu, comme on a pu en arriver là. Et ce n'est pas une question qui appelle une réponse, c'est juste l'expression d'un constat navré, pour ne pas dire désespéré.

Ce film se veut une sorte d'électro-choc, enjoignant aux Américains de reprendre leurs esprits avant que les pages les plus sombres de leur histoire ne se répètent. C'est une sorte de démonstration par l'absurde, par l'horreur absurde, de ce qui attend un pays déchiré par des luttes fratricides.

Politique, le film l'est quand même l'air de rien. Les raisons de la guerre civile, il les donne quand même, mais sans s'attarder, sans insister, pour ne pas nuire à sa portée universelle.

Le film est comme une sorte de miroir de l'assaut du Capitole en janvier 2021 : au lieu d'un président empêché d'être élu par une foule armée, il évoque un président qui ne veut pas quitter le pouvoir, retranché dans une maison Maison Blanche prise d'assaut. C'est ça, l'origine de la guerre civile dans le film. Mais ce n'est pas du tout le sujet du film !

On suit des reporters de guerre, parcourant leur pays dévasté. Une baroudeuse, son acolyte, une jeune femme qu'ils ont pris sous leur aile, et un vieux journaliste. C'est une trame simple, mais pas simpliste, la trame d'un road movie à travers la désolation, l'horreur, la folie humaine. Pourquoi se battent-ils ? Ben quand on est en première ligne, ce n'est visiblement pas la première question qui vous vient à l'esprit.

On peut reprocher sa fin au film, mais là encore ce n'est pas un procès que je trouve très juste : car étant donné ses enjeux, son point de vue, son discours, le film ne pouvait pas se finir autrement. Et puis franchement ce n'est pas le genre de films qu'on va voir pour sa fin (y en a-t-il seulement, d'ailleurs, des films comme ça ?).

C'est un film qui use de procédés connus pour mieux nous emmener ailleurs, pour nous montrer ce qu'on n'a pas forcément envie de voir, pour susciter des réflexions qu'on n'aurait pas forcément eues naturellement. Disons qu'avec ce film, je comprends mieux la notion de "blockbuster d'auteur". Les Mad Max de George Miller sont aussi des blockbusters d'auteur. C'est-à-dire des films qui arrivent à allier spectaculaire et réflexion, ou spectaculaire et émotions intelligentes. Des films avec du souffle ET des choses à dire.

Car les reporters de guerre du film, qui étouffent leurs émotions pour faire leur métier, qui sont impuissants face à l'horreur, qui se refusent à prendre parti, qui sont accros à l'adrénaline, à l'excitation d'être au cœur des combats, ces reporters qui regardent la réalité s'effondrer à travers un viseur et un objectif, qui prennent des photos en couleur pour être plus brut, en noir et blanc pour être plus esthétique, au fond c'est nous derrière nos écrans, non ?

DrFMrM
8
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le 12 juin 2024

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