Civil War
6.9
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

Il semblerait que nous arrivions au beau de la route. Dans le temps, les USA se sont battus contre la Russie, la Chine, le Japon, l'Irak, l'Allemagne, le Mexique, les Martiens, les Jupitériens, les Andromédiens, et même des trucs d'une autre dimension.

Maintenant, en panne d'ennemis mais toujours aussi désireux de faire chauffer les chars d'assaut, ils se battent contre eux-mêmes.


Blague à part


Le film nous transporte, que dis-je, il nous jette sans finesse, au milieu d'un conflit qui opposerait les Forces de l'Ouest (Californie et Texas) au gouvernement de Washington (les 48 autres états donc). Je dis sans finesse puisque pour un minimum de contexte, vous pouvez vous gratter. Le Texas et la Californie s'allient pour aller buter le président, point. Accepte-le. Même si c'est un peu con parce qu'entre la Californie et Washington DC y'a au moins 4000 kilomètres et les armées de chaque état, et même entre le Texas et la Californie y'a l'Arizona et le Nouveau Mexique alors pour s'allier bonjour, peu importe. Ils sont alliés, ils ont réussi à traverser tous les états, ils sont aux portes de la Maison blanche et ils gagnent sans grande difficulté. Bref.


Forts de ce contexte déjà assez foireux, on suit donc les aventures de quatre photographes de guerre qui partent de New York pour aller à Washington DC (en faisant un détour, les routes étant coupées), rejoindre les Forces de l'Ouest et interviewer le président avant qu'il ne se fasse plomber comme une caille. La route ne sera évidemment pas facile, car semée d'embûches.


C'est là le plus grand problème de ce film : l'absence d'immersion/de vraisemblance. On nous parle d'une guerre civile qui déchire littéralement le pays, mais à aucun moment on ne la ressent. Le début nous montre une New York qui se débrouille pas trop mal puisque les hôtels et les bars sont ouverts. En chemin, mis à part quelques coups de feu au loin, une bande de trois dissidents qui tirent sur trois soldats, un tout petit camp de réfugiés, un tireur embusqué et un milicien raciste (meilleure scène du film soit dit en passant), il n'y a rien. Si, à un moment, il arrive dans une petite ville où tout est normal puisqu'ils sont "neutres."

Si vous voulez que j'y crois, montrez-moi New-York en feu. Montrez-moi la tour de Seattle en ruines. Montrez-moi les champs du Kansas ravagés par les obus et les mortiers. Montrez-moi des cohortes de civils être plombées par les sécessionnistes. Ou si vous n'avez pas le budget, montrez-moi une carte, faites-moi entendre des résumés de l'état de la guerre à la radio, ou même des photos (en plus vous parlez de photographes, ça colle bien au sujet). Au moins, différenciez les uniformes entre les Forces de l'Ouest et les autres (l'assaut final est illisible).


Et que dire du reste ? J'ai l'impression que ce film subit l'influences des marvels, dans le sens où chaque moment empreint d'une gravité certaine (surtout la fin) est désamorcé par une musique country gaie et entrainante. Déjà que pour l'immersion c'est difficile, mais si en plus le film se fout de sa propre gueule, c'est clairement pas gagné.

Et pour la fin, qui est à mon sens la plus grande maladresse du film (les généraux du président se rendent alors que les Forces de l'Ouest sont en sous-nombre, le président qui reste dans la maison blanche sans être plus protégé que ça, l'assaut de ladite maison blanche qui ressemble plus à la prise de la mairie de Rouen, non vraiment c'est parfait), un peu de contexte : parmi les quatre protagonistes, il y a Lee (Kirsten Dunst), photographe chevronnée, et Jessie (Cailee Spaeny) qui tente d'apprendre le métier sous la tutelle de Lee, qu'elle admire. À un moment donné, Jessie demande à Lee si elle pourrait la prendre en photo au moment de sa mort, et Lee de répondre que oui, elle le ferait probablement.

Le film avance jusqu'à la fin, et lors de la prise de la maison blanche, Jessie s'expose aux tirs d'un garde présidentiel. Lee fait rempart de son corps et Jessie la photographie en train de se faire plomber le dos. Et il n'y a aucune réaction de sa part, alors qu'elle est censée être, je le rappelle, son idole.

J'ai lu une théorie à propos de cette fin, qui dit que Lee n'est pas vraiment morte, juste inconsciente, mais de deux choses l'une : ou bien Lee est morte et l'absence totale de réaction de Jessie (et de l'autre membre de leur troupe) est décalée au possible, ou bien Lee est effectivement inconsciente, auquel cas ça retire tout semblant de profondeur et de gravité à la scène, et fait passer l'assaut pour une après-midi Nerf chez maman (en plus de rendre le dialogue des deux protagonistes totalement vide de sens).

En bref, Civil War souffre d'une absence totale de prise de risque, pourtant capitale pour un sujet aussi vaste qu'une potentielle guerre civile américaine, et aussi d'une durée trop faible (tout juste 1h50) pour le traiter. Absence de risque mais aussi de grandeur qui empêche de ressentir les enjeux et les éventuelles conséquences d'un tel conflit. On parle des États-unis quand même, pas de la bande à Théo contre la bande à Tony dans la cour de récré à 10h.


Je pense que ce film doit son succès à la com' ("z'avez vu c'st lé USA ki se bate oulala cé profon 2 ouf !"), au fait que ce soit produit par A24 et à la renommée de son réalisateur (qui nous a offert 28 jours plus tard et Ex machina, tous les deux bien mieux). Film pompeux qui s'apparente à la montagne qui accouche d'une souris.

Peut-être qu'un traitement du style La Mémoire de nos pères et Lettres d'Iwo Jima, un diptyque qui raconte l'histoire de deux points de vue différents, aurait été plus ambitieux, plus lisible et plus impactant.


Ça fait quand même chier que les films A24 devienne des films pour bobos, maintenant.

Random_23
3
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le 30 mai 2024

Critique lue 12 fois

Random_23

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