Alex Garland nous propose ici un road trip en pleine guerre civile américaine, et il est très intéressant de voir que le jeu de l’information et de l’image est déjà travaillé dès l’affiche du film. En voyant cette affiche, je m’attendais à un film de guerre presque épique, un mouvement révolutionnaire porteur d’idéaux forts. Mais lorsqu’on visionne ce film, on se retrouve devant un reportage journalistique ne servant que de témoignage, sans parler une seule fois d’idées ou de politique.
Mise en scène
En termes de mise en scène, on reste sur quelque chose de tout de même très classique. On pourrait croire que nous allons être énormément en caméra épaule pour suivre nos protagonistes – des journalistes prenant des photos des affrontements – avec un côté documentaire dans l’approche, mais cela est très rare. Quelques plans rapprochés, mais surtout du grand angle, des plans fixes et des travellings stables. La vraie idée de mise en scène de ce film, c’est surtout la photo ! Chaque affrontement est rythmé par des plans qui finissent en image fixe, nous dévoilant la photo prise par le journaliste sur le moment. Et… ça marche plutôt bien. Ils s’enchaînent suffisamment bien pour vraiment appuyer ces moments clés du film, tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc.
L’esthétique du film est pratiquement vanilla. Le contraste est retravaillé pour donner un effet plus cinéma qu’une simple vidéo prise à la volée, mais sans couleurs fortes qui se démarquent ni grain particulier. Le but est de donner un côté brut à ce que nous voyons.
La musique, elle, est quelconque. Pour nous, Européens, ce sont des musiques folk/pop classiques américaines qui rythment le récit, mais jamais quelque chose d’excessivement connu. Elle est là où elle fonctionne, sans pour autant donner envie d’écouter la BO de temps en temps.
Qu’est-ce que ça nous raconte ?
La guerre, tout simplement. Comme dit plus tôt, pas d’idéologie particulière ni de politique forcée dans un sens ou dans l’autre. Ce film est apolitique, il est là pour nous montrer à quoi ressemblerait un pays tombé en guerre civile, comment la population s’adapte, prend parti de près ou de loin. Il y a ceux qui justifient leurs actions horribles et leurs pulsions meurtrières par « on ne peut plus faire confiance à personne ». Ce côté déshumanisant du « N’importe qui est un allié ou un ennemi » est là où le film devient intéressant. La guerre civile ne concerne pas un autre pays, une différence de langue, de culture ou de religion. Elle prend vie dans un même État, opposant deux idéologies. L’ennemi peut être votre voisin ou même un membre de votre famille.
Et pourtant, si c’est ce qui rend ce film si intéressant, au-delà du témoignage de guerre raconté par nos protagonistes, c’est aussi ce qui le rend frustrant, car ces sujets ne sont jamais poussés jusqu’au bout. Il en va de même pour notre héroïne, grande photographe de guerre insensible, souffrant d’un syndrome post-traumatique. Le film ouvre plein de pistes et aborde plein de sujets intéressants, mais ne parvient jamais à les conclure.
Kirsten Dunst est en maîtrise, tout comme Cailee Spaeny, et Wagner Moura nous fait oublier son rôle de Pablo Escobar dans Narcos.
Pour conclure
C’est un film qui vaut le coup d’œil et qui se laisse regarder. Le road trip est un classique du cinéma américain, et c’est toujours agréable de le voir se renouveler lorsqu’il apporte quelque chose de nouveau au récit. La fin est satisfaisante d’une certaine manière, car comme dans chaque road trip, l’arrivée à destination est toujours quelque peu décevante. L’aventure, c’est le voyage !
Mais une question se pose… Est-ce vraiment un film dystopique ? Ne sommes-nous pas déjà au bord de l’implosion ? Ce film n’a pas l’air si irréaliste que ça. Ce n’est pas étonnant que ce soit les studios A24 qui osent encore produire des films sortant de l’ordinaire ou abordant des sujets de plus en plus sensibles. Ce n’est pas le film de l’année, mais on a besoin de ce genre de film.