Le motif central et récurrent du film est la mer. Elle revient en leitmotiv, tantôt agitée, tantôt apaisante, tantôt claire, tantôt obscure. Elle est le lien entre les deux femmes du film, Elmas et Chenaz, qui y trouvent toutes deux l’accalmie ou la violence qui purge et qui libère. A l’image de leurs vies, la mer peut être calme mais peut dissimuler des tumultes en profondeur qui ressurgissent le moment venu. Les deux femmes sont opposées en tous points : Chenaz est riche, heureuse en amour, son travail est stable ; quand Elmas a tout perdu quand sa famille l’a chassée, et est traitée en esclave sexuel et médical par son mari et sa belle mère. En apparence, une femme est claire quand l’autre femme est sombre. Mais le film, à l’opposé du manichéisme, tend justement à montrer que ce qui est clair dissimule l’obscur, et ce qui est sombre rejoint toujours la lumière. Et cette complémentarité entre le clair et l’obscur, s’illustre dans l’effet de miroir résidant entre les deux femmes : chacune donne un peu d’obscurité ou un peu de lumière à l’autre : c’est Elmas qui fait prendre conscience à Chenaz de la face noire de sa vie toute lisse ; et en parallèle c’est aussi Chenaz qui sort Elmas de son épouvante et qui la libère de son cauchemar intérieur. Au reflet qui opère entre les deux femmes s’ajoute un effet d’inversion : la vie de Chenaz, si parfaite et irréprochable, s’effondre avec la fin du film. Elle se libère mais cette liberté fait résonner le vide autour d’elle : Chenaz perd tout. Au contraire, Elmas, qui était emprisonnée dans l’esclavage puis dans la démence ; tire de son rapport avec Chenaz la liberté. Elle retrouve son esprit, se libère de ses chaînes et a tout à gagner. Les deux femmes se rejoignent donc enfin dans la fin du film : Chenaz, qui avait tout, se retrouve les mains vides, et Elmas, pour qui tout était sombre et sans issue, se libère elle aussi pour se retrouver face à une page blanche.
Ainsi rien n’est stable dans Clair Obscur, tout vacille, tout est bancal ; et rien n’est figé pour toujours.