Ce film bulgare met en scène l’encensement puis la chute du cheminot Tsanko Petrov qui, glorifié par le gouvernement pour son honnêteté, est par la suite démoli et humilié par la corruption de celui-ci. Tsanko se bat pour sa dignité, dans un monde où tous les coups bas sont permis. L'opposition drastique entre Tsanko et les personnages de pouvoir se reflète dans l'incarnation qu'est Tsanko de l’homme vrai, pur, qui a travaillé de ses mains toute sa vie, proche de la nature. Il ignore la bassesse, et son honnêteté ne s’arrête pas à l’argent, qui ne le corrompt pas. Au contraire, le monde du pouvoir incarné par la Staykova, femme sans principes, sans pitié, emplie de faux semblants et qui se construit autour des apparences pour « faire bonne figure ». En témoigne la scène où Tsanko pénètre dans le ministère : les responsables s’empressent de changer ses vêtements, de critiquer sa barbe et ses cheveux. Tsanko est un personnage trop humain pour un monde politique trop lisse. Il est récompensé pour son honnêteté par l’institution la plus malhonnête qui soit. En cela réside l’absurdité et la satyre du film. Le bégaiement de Tsanko est l’emblème de son incapacité à comprendre et à se faire comprendre d’un monde qui lui est étranger. Tsanko bégaie parce qu'il ne maîtrise pas le langage politique hypocrite; son authenticité démonte la rhétorique du pouvoir. Mais par le même coup son bégaiement est une barrière de plus face au monde politique ; puisque le personnage ne peut pas s’exprimer. Pourtant Tsanko est un personnage si pur et courageux qu’il n’a pas peur de se faire emprisonner, tabasser, humilier ; s’il peut dire la vérité coûte que coûte. Cependant la fin, pessimiste, montre Tsanko dégénérer dans la violence : c’est donc une fin sombre, le personnage le plus calme et pondéré qu’est Tsanko lâche prise et s’abandonne à la fureur face à la corruption, à la violence la plus sourde et la plus hypocrite dont le régime bulgare, comme tant d’autres, est capable.