Le personnage de Katherine est le centre du film. Nombreux sont les longs plans sur son visage avec son expression inexistante et troublante. Tous les personnages secondaires gravitent autour d’elle, contrôlés par sa poigne et soumis à sa noirceur. Le film lui-même est une grande machination. Ainsi dès l’ouverture, le personnage de Katherine est présenté comme une jeune fille fragile, mariée contre son gré à un homme vil et brutal et contre lequel le spectateur s’oppose d’office au profit du camp de Katherine. C’est donc une vision de la situation très tranchée et classique qu’offre le film à son début ; et il annonce qu’il s’agira d’une bataille acharnée entre le camp féminin, incarnée par la servante et Katherine, et le camp masculin que représentent le mari et le beau-père de Katherine.
Mais les crimes de Katherine, s’accumulant, commencent à nuancer les sentiments du spectateur à son égard et déjà, apparaissent les prémices du caractère morbide et calculateur de Katherine. Se pose alors la question des vrais motifs de Katherine. Ce qui semblait être un amour véritable se mue peu à peu en une obsession pour le morbide, une froideur à exécuter des crimes superflus qui la rendent peu à peu monstrueuse aux yeux de son amant comme à ceux du spectateur. Son regard se durcit, ses habits s’assombrissent et Katherine s’entoure peu à peu de mort et de néant. Katherine est devenue Lady Macbeth. Elle est devenue celle qui tue sans vergogne, celle qui élimine les obstacles à son ascension, à sa volonté et à ses pulsions illimitées. Ce qui semblait au début être un personnage solaire et plein de fougue s’est mué en un monstre dévastateur et sans pitié, dont l’apogée de son inhumanité réside dans l’infanticide. La fin rend justice aux crimes de Katherine : seule, trahie par son amant, débarrassée de tous, il semble que la dernière victime qu’elle puisse faire pour assouvir tout à fait ses désirs morbides, ne soit elle-même.