L'étreinte du désir
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le 6 juin 2022
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Ma notation est sans doute un peu dure; elle reflète en fait bien plus mon expérience de spectateur du film que l'avis objectif que je puis en avoir, avec quelques heures de recul. Car le film est intelligent, bien construit et porteur d'un message : j'y reviens dans la suite de cette chronique. A côté de cela, il est lent, trop contemplatif en regard du thème qu'il aborde. Et imprégné d'une atmosphère malsaine et pour tout dire déprimante, pour ne pas dire dépressive.
Il s'agit à mes yeux d'une allégorie de la condition et de l'émancipation féminine, vue depuis le Costa-Rica mais que l'on peut aisément généraliser au reste du monde. Condition féminine vue à travers trois générations de femme : la grand-mère, bigote autoritaire et coincée qui règne en tyran absolue sur son petit monde; sa fille, Clara, difforme, une sorte de quasimodo au féminin, totalement - au début du film, du moins - sous la coupe de sa mère qui l'utilise à son profit en la faisant passer pour une guérisseuse en ligne directe avec la sainte vierge; et, enfin, la nièce Maria, véritable prototype de girlie mondialisée. Clara est traitée par l'ensemble de la famille comme une attardée et se voit ainsi totalement infantilisée : c'est bien évidemment elle qui va peu à peu s'émanciper et mettre le feu, à travers la découverte, notamment, de son corps et de sa sexualité.
Le paradoxe, c'est que c'est l'arrivée d'un (bel) homme dans cette communauté matriarcale qui va tout déclencher. Sans surprise, Maria va se le réver, mais de façon plus étonnante, Clara aussi. Et c'est ce garçon qui, quoiqu'on pourrait en penser au départ, ne la traite pas comme le fait le reste de la famille, mais comme un être humain. Et qui ne se servira jamais d'elle au demeurant : ce qui nous donne un portrait non dépourvu de finesse de la gente masculine, car le gars est quand même naturellement titillé par ses hormones.
L'autre élément de l'émancipation de Clara, c'est la nature, animale comme végétale, avec laquelle elle entretient un rapport fusionnel faute de pouvoir avoir des rapports humains normaux, corsetée qu'elle est par son environnement familial et social. Le film est tourné dans la pampa, au Costa-Rica, et comporte de nombreux plans en extérieur, sur des paysages verdoyants et somptueux. Ce qui n'est pas sans contribuer à son rythme très lent, d'ailleurs. Mais qui lui apporte probablement une dimension écoféministe, si tant est que je puisse me prévaloir d'user de ce terme.
Un film, donc, qui ne se regarde pas forcément avec plaisir, mais dont les qualités et l'originalité sont indéniables, en dépit, à mon avis, de quelques maladresses de réalisation, dont cet écart entre tempo, d'une part, et, sujet de fond, d'autre part, qui empêche le spectateur (je parle pour moi, bien sûr) de rentrer complétement dans le truc. Mais puisqu'il s'agit, je crois, d'un premier film, gageons que sa réalisatrice saura corriger cela dans le futur.
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Créée
le 3 juin 2023
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