Mohamed Diab est le nouveau porte-étendard du cinéma égyptien et son travail mérite qu'on lui porte une réelle attention. Six ans après son premier long-métrage "Les femmes du bus 678", il nous revient avec un fort symbolique titre "Clash". C'est que depuis le pas si lointain Printemps Arabe l'un des bastion du Moyen-Orient ressemble de plus en plus à un Rais vacillant. Tandis que le premier se faisait le porte-parole courageux de la femme pharaonne embastillée en pleine révolte, celui-ci raconte avec intelligence la disparité religieuse et intellectuelle dans l'après Moubarak.


Trente années de présidence qui ont un temps renforcé le pays dans son rayonnement international contre l'obscurantisme islamiste, mais paradoxalement considérablement affaibli la démocratie construite successivement par Nasser et El Sadate. Fatigué d'une gouvernance devenue quasi despotique le peuple l'oblige à fuir en 2011 et les élections suivantes sont remportés par le leader du parti islamo-conservateur des Frères Musulman Mohamed Morsi. Pas pour longtemps lorsque le mouvement contestataire parti de Tunisie inspire le grand voisin et donne tout loisir à l'armée de le destituer au profit du chef d'état major Al Sissi. C'est cette instabilité politique permanente que fictionnalise le cinéaste pour en dresser un portrait plus qu'amer. Le dispositif scénique participe de ce cloisonnement spirituel puisque nous assistons pendant un peu plus de quatre vingt dix minutes à la cohabitation forcée dans un fourgon militaire de toutes les strates de la société. Nous sommes alors partie prenante d'enjeux autant scénaristiques que réalistes de sa scission morale.


Il faut ainsi noter les différentes étapes qui composent ce récit foisonnant. De simples citoyens revendicatifs sont arrêtés arbitrairement pour s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, parmi lesquels deux journalistes et une mère de famille. Diab pose premièrement une situation révoltante pour signifier l'injustice des forces de l'ordre. Il n'est pas innocent que ces deux reporters soient jetés en pâture à la vindicte populaire dans un pays ou la liberté de la presse n'est pas franchement respectée. Et il est d'autant plus intéressant de le noter que la défiance des uns envers les autres raconte un instantané précis du déni de parole.


Puis vient le tour de sympathisants et d’adhérents aux Frères Musulman, et il faut la encore ne pas faire l'impasse sur la distinction. Les premiers portent un discours volontairement prêcheur mais ne semblent pas certains d'y trouver un bon représentant de leur foi, les seconds s'instituent leaders spirituels et s'invectivent pour la plus haute fonction. Signe avant-coureur que l'unité de façade du radicalisme explique la multitude de factions terroristes crées depuis l’avènement du Djihadisme? Subdivisés en petits territoires au sein du grand ensemble, chaque couche se retrouve régulièrement réunis en groupe pour mieux voler en éclat par la suite.


Comme nous l'avons vu précédemment l'armée joue un rôle majeur dans l'histoire égyptienne. Le réalisateur ne l'oublie pas et lui réserve une place centrale dans l'intrigue. Présenté comme un pouvoir arbitraire dans un premier temps, son unité est également disloquée au fur et à mesure. Reflet de la diversité elle est le pendant autoritaire de sa population. Ce qui suppose une relation ambiguë à celle-ci, comme le démontre la tentative de désertion d'un premier jeune soldat. En ralliant les opprimés il démystifie l’allégeance parfaite qu'on lui prête. Bientôt rejoint par un collègue à cause de circonstances atténuantes, il symbolise la destitution d'un corps législatif mourant. Élément à charge en plus contre les régimes autarciques successifs qui ont détruit le soufisme cette langue modérée de L'Islam politique.


Nous pourrions également développer sur la masse essentiellement masculine qui compose ce camion, rejoignant en cela le message féministe de son premier essai. Discuter de la place du rire qui soude un bref instant l'assemblage hétérogène, ou de la jeunesse perdue entre la vénalité occidentale et la conscience patriotique (nationaliste?). De ces scènes d'émeutes très documentées qui confèrent à l'oeuvre un aspect presque sociologique, du son et des couleurs chaudes amplifiées lorsque le drame devient inévitable, de ces notes de musique qui nous rappellent que des stars telles que Oum Khalsoum étaient la fierté du Monde Arabe. Nous nous arrêterons simplement sur la conclusion terrible d'un pays qui se saborde inconsciemment en se défiant à la mort, sans distinction d'age, de sexe ou de croyance. Échec sur toute la ligne.....

Sabri_Collignon
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le 17 sept. 2016

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