Le principal intérêt de "Classe tous risques", dans une période riche en films de voyous, polars et autres films noirs, c'est l'originalité de l'approche de Claude Sautet, auteur de son premier long-métrage (si l'on excepte "Bonjour sourire" dont il fut crédité presque par hasard, et qu'il renia).
En effet, le néo-réalisateur s'attèle au genre qui remplit les salles à l'époque, mais à rebours des clichés habituels : pas d'idéalisation du grand banditisme ni de langage argotique parsemé de bons mots ; Sautet choisit certes un héros charismatique et attachant, mais qui reste un criminel de sang froid.
Surtout, l'approche adoptée est avant tout humaine : Abel Davos est montré dans un premier temps sous l'angle de sa vie privée, avec les soucis quotidiens d'un monsieur tout le monde, flanqué d'une épouse et de marmots en bas âge, qui serait par ailleurs un truand recherché (et condamné à mort).
Plus tard, on ne verra guère ses exploits de gangster, mais plutôt ses états d'âme et sa déréliction psychologique, à mesure qu'il se déleste de ses anciens attributs (ami, femme, enfants, associés, argent, pouvoir...).
Lino Ventura se montre excellent dans ce rôle sur mesure, qui lui permet d'exprimer des émotions rarement recherchées par les cinéastes qui l'emploient (peur, lassitude, tendresse, faiblesse...).
Mais "Classe tous risques", c'est aussi l'avènement de Jean-Paul Belmondo, comédien encore débutant dont le charisme et la nonchalance crèvent l'écran dès sa première apparition dans le film. Cela dit, son amourette avec l'italienne Sandra Milo (quelconque) reste la partie la moins convaincante du scénario - mais il fallait sans doute une éclaircie dans ce film sombre et pessimiste.
Un scénario sinueux qui constitue l'autre point fort de "Classe tous risques" : empruntant des chemins constamment variés et inattendus, de la gare de Milan au centre de Paris, en passant par Nice et San Remo, l'intrigue imaginée par Sautet et José Giovanni (auteur du roman adapté) se révèle originale et captivante, à peine affaiblie par un rythme incertain occasionnant quelques longueurs. Souvent, le spectateur est surpris par l'évolution imprévisible d'une séquence (la promenade en bateau, la visite chez le fourgue...), d'autant que Sautet se permet quelques audaces très inhabituelles (la mort de Thérèse).
Au niveau de la mise de la mise en scène, le jeune réalisateur s'efforce d'intégrer deux influences "contraires" : le film noir américain classique, et la Nouvelle vague française encore balbutiante (jeux sur le montage ; prises de vue en extérieur, au milieu de la foule).
Il faut enfin souligner la qualité des (très) nombreux seconds rôles qui parcourent "Classe tous risques" : chaque personnage secondaire voire tertiaire bénéficie d'une vraie attention, et d'un comédien investi - ce qui deviendra une caractéristique immuable du cinéma de Sautet.
Parmi beaucoup d'autres, citons pêle-mêle Claude Cerval, Michel Ardan et Philippe March (les anciens associés de Davos), Marcel Dalio (le fourgue) ou encore Jacques Dacqmine (le commissaire).