Cléo de Sphinx à diète
Pour entreprendre l’ascension du monument Cléopâtre, tous les sens doivent être en éveil. Bien sûr, on contemplera avec une attention particulière la grandiloquence d’un film qui fut un gouffre...
le 10 oct. 2014
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Il est surprenant, à première vue, de découvrir Joseph L. Mankiewicz aux commandes de cette super-production au budget pharaonique (44 millions de dollars, énorme pour l'époque alors qu'aujourd'hui on ne pourrait pas faire un tel film sans au minimum doubler le budget) qui faillit bien couler la Fox. Plus réputé pour sa verve intelligente que pour son savoir-faire dans la matière de reconstitution coûteuse impliquant des centaines de figurants, Mankiewicz arriva sur le projet alors qu'il était déjà lancé avec la mission de maintenir la barge à flot. Il en résulte une fresque épique de plus de 4 heures, centrée sur la relation houleuse qui unit Cléopâtre à Rome durant l'Antiquité, symbolisé par ses relations intimes avec César et Marc-Antoine. Le film est d'ailleurs divisé en deux parties bien distinctes, la première nous montrant un César vieillissant et quasiment dépourvu de scrupules retrouvant l'ambition dans les bras de Cléopâtre tandis que la seconde verra Marc-Antoine et la voluptueuse reine d’Égypte succomber à la passion.
D'emblée, malgré malgré la beauté des décors grandioses, des couleurs vives et la qualité des moyens mis en œuvre pour la reconstitution, ce qui frappe c'est combien "Cléopâtre" est une épopée intimiste. Ici peu de place pour le spectaculaire en dehors des décors démesurés. La bataille navale arrivant aux trois quarts du film et faite pour être un morceau de bravoure semble bien plate, guère alimentée par un Mankiewicz visiblement peu concerné par cette scène. Non, ce qui intéresse le cinéaste ici, ce sont les personnages. Leurs relations houleuses et passionnées, leur rapport au pouvoir et au temps qui passe. "Cléopâtre" est un film incroyablement bavard, marque de fabrique d'un réalisateur plus prompt à mettre en scène de vifs échanges de paroles plutôt qu'un champ de bataille. A ce niveau-là, le film est une vraie réussite. Car on y parle beaucoup mais on y parle avec bien, avec malice, ferveur, hargne, passion et sous-entendus. Mankiewicz tisse un portrait complexe de la Rome de cette époque, en plein tourment à cause de celui causé par une femme sur deux de ses plus grands citoyens. C'est une œuvre mélangeant aussi bien la politique que la passion, à l'image de son héroïne.
Une héroïne immortalisée par Elizabeth Taylor, belle à tomber. Vêtue de robes mettant largement en valeur son corps de déesse, l'actrice met tout le monde d'accord et inscrit sa prestation dans l'histoire du cinéma. Elle y est superbe, à la fois fragile et extrêmement déterminée. Le couple qu'elle forme avec Richard Burton, mythique aussi bien à la ville qu'à l'écran, ne manque pas d'embraser la pellicule. Il faut dire que le couple s'est formé sur le tournage alors qu'ils étaient chacun mariés de leur côté et on sent bien que Burton est inspiré quand il déclame ses mots d'amour à Cléopâtre. Face à eux, Rex Harrison apparaît un peu plus fade en César, malgré une composition intéressante en conquérant gagné par le temps. Sous la houlette de Mankiewicz, ''Cléopâtre'' prend des allures shakespeariennes alors que les passions et les ambitions se déchaînent. Si l'ensemble a bien quelques longueurs, il faut lui reconnaître toute sa splendeur, transcendée par une actrice au sommet et servie par de brillants dialogues.
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le 4 mai 2016
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