J'ai récemment vu un essai vidéo qui revisitait la filmographie de Kevin Smith et arrivait à la conclusion que les films étaient non seulement le produit de leur époque, mais aussi difficiles à apprécier aujourd'hui, avec un regard d'adulte. Je sortais tout juste de l'accident industriel qu'est "Jay & Silent Bob Reboot", et le film était si mauvais que j'ai commencé à douter.
Est-ce que Smith a toujours été mauvais, mais le jeune con que j'étais se faisait facilement divertir par des blagues homophobes et des gags de prouts ? Légèrement inquiet, mais pas trop effarouché par la vidéo de Patrick (H) Willems, je me suis lancé dans mon propre pèlerinage qui sera un jour connu dans les livres d'histoires comme "Kevin Smith, 20 ans après, une anthologie critique par Ezhaac."
En un mot comme en cent : non. Si quelque chose a vieilli, ce sont les références à la pop culture du vingtième siècle qui accusent leur âge, avec une obsession pour la trilogie original de Star Wars, Batman 66, et aucune mention du MCU ou DC-verse qui n'existaient pas encore en cette époque bénie.
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Pour le reste, Clerks est toujours aussi drôle, brillamment écrit, rempli de moments d'anthologie et peuplés de personnages attachants que l'on prendra plaisir à retrouver dans les films suivants. Et comme je suis toujours aussi con qu'il y a 20 ans, les blagues homophobes me font encore sourire et les gags bas du front n’ont pas cessé de me faire marrer. Cela dit, au-delà de la comédie, c'est aussi son film le plus sincère.
Il dépeint des personnages un peu cassés auxquels il est facile de s'identifier, coincés dans une routine qui semble les écraser, et le script n'a pas peur de les confronter à leurs propres contradictions ou de leur faire payer le prix de leur attitude de merde. Ainsi, si Dante est initialement présenté comme une victime de circonstances malheureuses, on découvre que ses déconvenues sont le résultat de sa lâcheté, son immaturité sentimentale, et sa propension à se complaire dans sa prétendue misère.
Le succès du film repose avant tout sur la finesse de l’écriture, avec beaucoup moins de gags visuels et d’humour de situation que dans ses films suivants. Il doit aussi beaucoup au charisme de Jeff Anderson (Randal), le pote geek, décomplexé et un peu connard qu'on voudrait tous avoir.
Clerks exploite très bien son petit budget avec trois décors, une réalisation minimaliste et un enchaînement de scènes presque indépendantes, qui font office de petits sketchs, avec une succession de conversations qui m'avaient marqué à l'époque et me font toujours autant rire.