Climax est une expérience extraordinaire, une des plus terrifiantes, une des plus humaines, une des plus fortes. C’est un syndrome de Stendhal d’une heure trente que Gaspar Noé nous propose. On est enfermé, il nous montre, il détourne sans en avoir l’air, il est proche, il n’est pas présent. Ce film est un tout. Prenant pour base l’explosion d’une société de l’intérieur, il nous emmènera dans les méandres de la folie humaine, dans ses recoins comme dans ses échappatoires. Cette folie nous englobe, nous émerveille et nous tétanise. Chacun est seul entouré de tous. Personne n’est là pour personne bien que l’échappatoire ne puisse être eux-même. L’individu est dépendant des autres mais les hait, il les côtoie car il n’arrive pas à s’en défaire. La folie même le traine à un continuel retour sur ses penchants. Ce sont ces penchants là qui lui paraissent non pas être une échappatoire réelle mais une déconstruction de ses peurs à travers son plaisir. On observe une masse folle mais dont chaque individu projette son existence au-delà des limites du bien de l’autre. Le souhait de mort, de criminels, de fautifs n’est que naturel à leur égo. Ils sont et c’est ce qui leur importe. Ce sont les plus fous dans un monde normal qui seront inoffensifs dans une masse anarchisée (de par l'ordre déconstruit et non de la pensée politique).
Ce film de virtuose de la technique simple, de la technique primaire du cinéma nous emmène au plus proche de ce que l’on redoute : les possibilités de l’autre. Gaspar Noé n’est pas un dialoguiste peut-être mais il en dit plus en une heure et demi qu’un long discours verbal. Il capte l’essence des choses grâce à son envie de saisir les moindres perspectives de ce qu’il se passe en dehors du fait brut et superficiel. Les êtres sont tous entiers car on les sait, on les sent. Noé retranscrit le brut en le laissant ainsi, il ne le modifie pas mais nous force à le voir. Ce ne sont que des attributs, des actes mais les pensées sont modelées par la vue de ce spectacle multiple, entier, omniprésent.
Le propos était annoncé dès les premières minutes, avec à droite des œuvres marquantes et chères à Noé et à gauche la thématique multiple de ce qui allait suivre. Une réflexion sur la société, la nation et les religions avec Bakounine. Une autre sur l’Homme, ses capacités, son devenir avec Nietzche. Et le tout entouré d’œuvres artistiques de réflexion sur ces sujets, avec Taxi Driver, La Métamorphose et bien d’autres dont je n’arrive pas à me souvenir.
Et cette entièreté ne se fausse pas dans une narration connue comme nous avons pu le dire avant, ni dans des codes de présentation. Cette œuvre est originale pour toutes ses perspectives et même hors de sa diégèse avec ses génériques aléatoires et pourtant justes. Ce film est autant un matériau brut que le plus travaillé des rubis.