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7.1
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Film de Lukas Dhont (2022)

Le film traite de l'amitié qui unit deux enfants et du regard que portent leurs camarades, ou surtout des conséquences de ce regard, sur cette amitié.

Le sujet peut sembler intéressant mais un premier problème intervient dès les premières scènes. L'intention scénaristique semble précéder tout le travail d'écriture et enlève toute spontanéité aux dialogues des deux enfants. Or, comme la naissance de leur amitié n'est pas montrée, cette amitié apparaît fausse, superficielle. Quel enfant réveille son ami chez qui il dort, au milieu de la nuit, pour lui raconter une fable sur un canard et un lézard qui est en réalité une métaphore, d'une subtilité inégalée, sur leur relation ? La force d'autres films d'enfants francophones de ces dernières années (Tomboy, Petite Nature, Le Nouveau) est justement leur volonté de laisser s'exprimer l'innocence naturelle de ses acteurs et de la diffuser dans ses personnages. Ce qui symbolise le mieux cet échec de l'écriture à transmettre ce qu'elle souhaite est tout simplement le fait que la complicité qui lie les deux acteurs, visibles dès les premières secondes de certaines interviews, est bien plus vivante et crédible que l'amitié de leurs personnages respectifs.

De plus, le film ne s'engouffre pas assez profondément sur le thème de la construction identitaire des enfants. Il n'y a finalement qu'une seule scène où le regard des autres élèves se confrontent à l'amitié des deux enfants. Plutôt que de questionner davantage les mécanismes de cette construction qui amène des enfants à étiqueter les relations autour d'eux, le film décide de prendre une tournure dramatique qui reste, elle, très en surface. L'un des deux enfants n'assume plus cette amitié et décide de se mettre au hockey pour prouver sa virilité, avant de le regretter une fois l'amitié irréversiblement perdue. Pourquoi ne pas avoir ici introduit des personnages adultes qui viendraient permettre au récit de prendre du recul ? D'autant qu'on est en droit de se demander pourquoi tous les personnages des parents sont aussi insignifiants, invisibles et passifs malgré les évènements ? C'est ce que Petite Nature réussissait très bien à faire avec le personnage d'Antoine Reinartz. Le récit décide de se passer de la profondeur qu'aurait pu lui permettre d'atteindre, en prenant du recul, un regard plus adulte. Et comme il ne parvient pas à capter la vitalité de ses acteurs et donc de ses personnages enfants, il ne reste finalement aucune substance pour le spectateur mais seulement un récit classique et superficiel auquel il est difficile d'adhérer. Cela sera d'autant plus le cas une fois le tournant du récit atteint. Le récit se concentre alors sur la culpabilité et les regrets de celui qui avait rejeté son ami et enchaîne les scènes clichés larmoyantes avant de décider de les compléter par la métaphore, encore une fois très subtile (...) d'un plâtre qu'on enlève.

Tout ce constat s'applique également à la mise en scène. Elle souffre d'un regrettable manque d'audace et de réalité. Les plans à hauteur de fleurs des enfants qui courent sont répétés à plusieurs reprises. Lukas Dhont choisit d'ailleurs un plan similaire pour conclure son film. L'enfant, maintenant libéré de son plâtre et donc métaphoriquement de son poids sur la conscience, retourne dans ce champ de fleurs. La caméra est toujours à hauteur de fleurs, l'enfant court vers l'avant mais il s'arrête et peut, désormais, se retourner et regarder derrière lui. Le film s'arrête sur ce (presque) regard caméra : une mise en scène très téléphonée pour une symbolique à peine voilée. Un dernier exemple symptomatique de ce défaut est celui des scènes à vélo. Lorsque tout va bien entre les deux amis, ils se retrouvent sur le chemin de l'école, l'un apparaissant comme par magie sur son vélo à un croisement, comme si leur arrivée à ce croisement était chronométrée à la seconde près. Lorsque tout va mal, l'un des deux accélèrera et quittera le champ pour montrer sa colère. L'autre tentera de le rattraper mais le premier recommencera. Une symbolique qui ne marque ni par son originalité ni, à nouveau, par sa subtilité.

Le principal problème est, comme dit précédemment, de vouloir faire prévaloir son intention scénaristique sur tous les plans. Que ce soit au niveau de son écriture ou de sa mise en scène, tout ne répond qu'au seul désir de filmer l'histoire déchirante de deux amis. Il suffit d'ailleurs de jeter un dernier regard (peut-être en se retournant face caméra comme dans ce dernier plan du film ?) à l'affiche pour constater ce biais. Tant pis pour le réalisme et le naturel ou pour la profondeur du récit.

Alsh74
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le 26 nov. 2022

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