Le passionné aime les films maudits, c'est plus fort que lui. Avec Cloud Atlas, on est servi : un trio de cinéastes original (Le frère et la soeur Wachowski, en disgrâce depuis Matrix et l'allemand Tom Tykwer) partis à la conquête d'un financement périlleux pour produire l'adaptation d'un roman à 360°. Forcément, c'est casse-gueule.
Après être resté deux jours et demi en salles aux États-Unis, on peut légitimement parler d'échec cuisant.
Mais pas juste un échec commercial, un échec cinématographique pur et simple. Une déception comme on les déteste, de celles qui laissent un goût amer dans la bouche.
Du haut de son scénario titanesque (six histoires prises entre passé, présent et futur, où les décisions des uns ont des répercussions sur la vie des autres, pour faire court), Cloud Atlas réussit le pari presque incroyable d'ennuyer son spectateur au bout de quinze minutes.
D'aucun ont critiqué le jeu des acteurs (Hugo Weaving, Tom Hanks, Halle Berry traversent les époques dans des rôles souvent ridicules) ou l'avalanche de bons sentiments (la lutte du bien contre l'esclavage noir, l'esclavage des femmes, l'esclavage des robots, l'esclavage des femmes-robots), on argumentera ici sur un autre point : Cloud Atlas n'est tout simplement pas intéressant, se contente de faire se chevaucher une succession de scènes plus ou moins captivantes, mais qui, une fois passées au mixeur du montage, ne ressemblent à rien.
Comme toute cette génération de films à sketchs qui masquent la vacuité de leur propos par un montage frénétique en forme d'enrobage clinquant, Cloud Atlas compile les instants clichés pour ne rien raconter. La mécanique est toujours là même : on passe rarement plus de trois minutes à la même époque, toutes les scènes sont compilées selon des thématiques "clés" (quinze minutes sur l'amour dans les années 30, dans les années 70 et dans le futur, puis répétition sur la thématique de la rebelion, etc), et l'on fini rapidement par regarder sa montre, consulter le score d'un match sur son iPhone ou envoyer des messages sur Facebook.
C'est là tout le problème du film : en allant et sortant en permanence des époques, on ne laissant jamais le spectateur le temps de se prendre d'affection pour une histoire, une époque ou un personnage, Cloud Atlas déconcentre le spectateur, qui subit le film plus qu'il ne l'apprécie. D'autant plus que toutes les parties du mille-feuille n'ont pas le même goût. C'était le risque pris par les Wachowski et Tom Tykwer, formidables metteurs en scène au demeurant, de se partager la réalisation. Au final, Cloud Atlas ne règle jamais ce problème de "bancalité" et sert la soupe à une morale vraiment noeud-noeud : mieux vaut aimer quelqu'un que l'on a rencontré il y a deux minutes dans un bureau que de travailler dans le nucléaire, le consumérisme tue les humains, l'esclavage c'est pas bien,etc).
On gardera néanmoins quelques beaux passages (la romance épistolaire des années 30, le visuel de Néo-Séoul) portés par un amour véritable du cinéma et de la création en général. Dans Cloud Atlas, les personnages communiquent au travers de leurs action et de leur legs artistique : littérature, musique, cinéma, révolution. Une thématique pleine de sens pour les créateurs de la Matrice et de l'adaptation de V pour Vandetta.
Mais dommage que leur talent de conteurs modernes soit ici au service d'une histoire qui n'arrive jamais à éveiller l'intérêt du spectateur.