Donnant à la fois le plaisir du divertissement, la satisfaction et la frustration qu'on attend d'une bonne histoire et la sensation de découvrir une autre manière de raconter avec le cinéma, le film fait regretter de ne durer que 2H45

Mêlant, ou plutôt racontant en parallèle six intrigues différentes, le film se construit grâce à l'accumulation des passages qui font de segments somme toute assez banals et sans doute caricaturaux s'ils sont pris indépendamment, un tout extrêmement puissants et savoureux.

Errer le long de la trame que le film étale de manière non linéaire permet à la fois de placer les fragments dans un contexte tout en se limitant à dire le coeur des scènes.

Les 6 fragments se déroulent à 6 niveaux distincts se succédant chronologiquement :
Passé -3 : l'esclave
Passé -2 : les deux amants
Passé -1 : la journaliste
Présent : l'éditeur
Futur 1 : Néo-Séoul
Futur 2 : Pre-scient, cannibales et compagnie

L'utilisation des six segments est intelligente. Il n'y a pas un lien évident établi qui s'impose. C'est ce manque qui pousse le spectateur à se sentir obligé de relier l'ensemble en l'interprétant. Est-ce l'amour? Est-ce la réincarnation? ...

Les questions de la transmission, de la mémoire et de l'intelligence, de l'immortalité etc. traversent le film. Il est intéressant de noter que la transmission en question (transmettre les bonnes valeurs, la lumière, l'amour, bla bla bla) se fait souvent d'une manière qui échappe à ceux qui pourtant la désiraient.
L'éditeur rappelle que c'est grâce à ces pairs d'antant, que tous les étudiants ont un Melville dans leurs cartables, et pourtant, c'est par le cinéma qu'il passera à la postérité, le compositeur sera plus connu pour ses lettres que pour sa musique (au moins un temps puisqu'il semble qu'on retrouve la symphonie dans le nouveau Séoul), la journaliste par l'enfant qui deviendra un écrivain de polar, la serveuse comme une déesse...
C'est l'intention qui est transmise, le sentiment mais les choses ne se passent pas comme prévues, l'histoire ne fait pas les oeuvres qu'on croit.

Triste, même si traversé par énormément de bons sentiments, le film aime s'interroger sur le cinéma, sa nature en prenant le prétexte du raccord pour en repousser les limites : la voiture fonce sur les méchants, raccord, des personnages courent, le public rit, mais c'est déjà un autre segment, l'histoire persiste au delà de l'image.
Des effets de correspondance (au sens Baudelairien) : la nature du Soap pour les serveurs est introduite par les gesticulades de l'éditeur retraité criant "Soleil vert! Soleil vert)"...

J'ai pu lire plusieurs critiques négatives sur le film et je pense qu'elles viennent surtout de personnes ayant été tenté de discriminer chaque segment. Je pense que la force de l'histoire et du film se joue dans l'accumulation qui s'opère entre les passages, les considérer indépendamment a tendance à les rendre niais et quelconque.

Pourtant, avec toutes les relations effectuées, le spectateur désireux de comprendre la "sociologie" (dans le sens organisation des éléments) de la fiction est toujours dépassé, n'a jamais assez de temps, on navigue de bout en bout, toujours à peine satisfait sans avoir le temps de prendre du recul.
Ne serait-ce pas Tom Hanks que j'aperçois ici, ici et ici? Cette femme est vraiment une femme? Le maquillage est impressionnant, même le vieillissement n'est pas dégueulasse. Le recours aux mêmes acteurs pour autant de rôles est très amusant (ne pas hésiter à rester pendant le générique final).

Le film agit, l'injection a commencé sans qu'on s'en rende compte, on est comme le malade sur le bâteau à la merci des scènes qui s'enchaînent, mais ce n'est pas la souffrance qui nous entraîne dans un univers qu'on ne veut pas cesser d'explorer. C'est la fin qui nous réveillera bien malicieuse.

Le film aime (ou plutôt se désole d'avoir) à montrer comment le conformisme peut conduire à l'inhumain et s'interroge sur comment l'énergie qui permet de le dépasser se perpétue à travers le temps.

A travers cette question, se dessine justement le manifeste de Cloud Atlas, certes un peu naif mais qui touche, de vouloir faire une oeuvre humaniste dont le but est extraire la substance d'une dynamique positive (l'amour).
gaotian
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le 16 mars 2013

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gaotian

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