"What is an ocean but a multitude of drops?"

Tom Tykwer et les frères Wachowski nous livrent plusieurs pistes d'interprétations et de réflexions à travers les nombreux récits qui constituent "Cloud Atlas", film transgenre fascinant. "Cloud Atlas" représente le meilleur de ce que le cinéma commercial hollywoodien d'ajourd'hui peut nous offrir. Une envolée lyrique à travers le temps et l'espace, riche en aventure, en action, en réflexions philosophiques et en messages porteurs. Un monument du 7e Art !

Comment décrire "Cloud Atlas" ? Ce film transgenre au scénario d'une complexité sans pareille, nous présentant cinq histoires parallèles et alternées, dispersées dans le temps et l'espace, est pour le moins singulier et ne laisse pas indifférent. Tenter de résumer le scénario en quelques lignes dans la présente critique serait inégal et injuste, tant le film part dans des directions différentes et nous propose une multitude de pistes d'interprétation. "Cloud Atlas", c'est à la fois "Inception", "Matrix", "Apocalypto", "1492 : Christophe Colomb", "The Fountain", "Star Wars", "Tron" et bien d'autres films encore. Au final, on s'aperçoit qu'à force de comparer ce long-métrage de près de 3 heures à d'autres, il en devient indescriptible. "Cloud Atlas" est un film ambitieux – parfois trop –rempli d'aventure, d'histoires intemporelles et fort en émotions. Du bon, du mauvais... mais surtout du jamais vu ! Le trio de réalisateurs formé par Tom Tykwer ("Lola Rennt") et les frères Wachowski (la trilogie "Matrix") parvient à nous offrir un mix adroit de différents genres, depuis le drame jusqu'à la comédie, en passant par la science-fiction, la romance, et bien d'autres styles encore. Il n'y a pas à dire : "Cloud Atlas" représente le meilleur de ce que le cinéma commercial hollywoodien d'aujourd'hui peut nous offrir. Et encore, c'est un film indépendant !

"Cloud Atlas" est en réalité inspiré du roman de David Mitchell. C'est l'actrice Natalie Portman qui, la première, a parlé de cette histoire à Lana Wachowski, qui devint directement intéressée par le projet. L'année d'après, en 2006, Lana et son frère Andy écrivaient déjà une première version du scénario. Ils voulurent donner le rôle de Sonmi-451 à Portman en guise de remerciements, mais la grossesse de l'actrice la poussa à refuser. Le scénario alterne donc cinq histoires différentes, situées respectivement en 1836, 1849, 1973, 2144 et 2321. Chacune de ces histoires se comporte comme un élément isolé et en apparence indépendant des autres éléments. Mis ensemble, ces éléments constituent un tout hétéroclite se voulant homogène.

Le thème principal de "Cloud Atlas" repose avant tout sur la notion de hasard et nous pose de nombreuses questions concernant les coïncidences, les impressions de déjà vu, la réincarnation après la mort, l'impact de nos choix et de nos engagements... Ainsi donc, chacune de ces histoires, en apparence différentes mais dans lesquelles interviennent des personnages aux physiques très ressemblants (car interprétés par les mêmes acteurs), seraient liées entre elles. Par quoi ? Là est la question... Alors que la toupie dans "Inception" remettait en question la notion de réalité et la confondait avec le rêve, et que "Matrix" introduisait l'éventualité d'une 'matrice' commandant l'avancée de l'univers et les agissements de chacun, "Cloud Atlas" poursuit dans cette lancée avec une réflexion philosophique sous forme d'aventure cosmique.

Pourtant, les liens entre chaque histoire ne sont pas toujours évidents à trouver. Il faut l'admettre, parvenir à gérer un tel film, ne fut-ce qu'au niveau du montage est en soi un exploit. Parvenir à relier tous les éléments subtils ensemble devient plus complexe, sans compter les trois visions personnelles et les multiples pistes d'interprétation que nous offrent les trois réalisateurs. Finalement, le film devient bien plus intéressant si on s'amuse à regarder chacune des histoires sans se soucier de faire le lien avec les autres. Le gros avantage de cette mise-en-scène, c'est qu'elle laisse le spectateur libre d'y apporter ses propres réflexions et son propre décryptage. En dépis de ses nombreuses répliques pleines de sens et de messages, ce film lyrique suggère et introduit des notions plus qu'il ne les aborde en profondeur.

Bien plus que par son concept et son style de montage alterné, le film fascine également grâce à ses images soignées, ses décors multiples, mais aussi sa musique, ses acteurs et bien d'autres facteurs. La musique, en particulier, prend une dimension particulièrement cruciale dans le récit car elle constitue un lien entre différentes histoires. Ainsi, les trois compositeurs, Reinhold Heil, Johnny Klimek et Tom Tykwer, jouent avec les thèmes musicaux à travers les différents récits du film, tout en y apportant une touche mélodique et lyrique qui n'a d'égale que la beauté des images.

Les acteurs, quant à eux, jouent également tous un rôle important dans "Cloud Atlas", puisque ils apparaissent pour la plupart dans toutes les histoires – ou presque – du film. Si s'amuser à trouver qui est qui à telle ou telle époque ou que contempler les différents maquillages peut constituer un passe-temps agréable, il est avant tout nécessaire de porter un regard sur les jeux d'acteurs et de les féliciter pour leur travail sur ces nombreux rôles. Tom Hanks n'avait pas été aussi puissant depuis "Forrest Gump", et Halle Berry est tout simplement magnifique. Pourtant, si ce sont là les deux premiers noms qui nous viennent à l'esprit, le reste du casting est constitué de nombreuses célébrités, certaines n'ayant plus rien à prouver de par leur expérience (Jim Broadbent hilarant, Hugo Weaving en superméchant comme d'habitude, Keith David correct, Susan Sarandon bien sage, Hugh Grant...), d'autres prometteuses et en quête de nouveaux rôles (Ben Whishaw fabuleux, Jim Sturgess, James d'Arcy...) sans oublier Doona Bae, sud-coréenne méconnue, dont les connaisseurs se souviendront sans doute de son personnage dans "The Host". Son côté timide et son accent étranger (en V.O.) pourront en rebuter plus d'un, mais toujours est-il que son personnage constitue l'une des protagonistes les plus mémorables du film.

Il convient également de s'intéresser sur le travail des réalisateurs. Les frères Wachowski et Tom Tykwer se sont en réalité répartis la tâche pour le tournage de "Cloud Atlas". Tandis que Tom Tykwer mettait en place les histoires situées en 1936, 1973 et 2012, les frères Wachowski tournaient, eux, les scènes des autres époques (1849, 2144, 2321), nécessitant plus d'effets spéciaux, le tout avec deux équipes de tournage totalement indépendantes les unes des autres et ayant pour seuls membres en commun les acteurs ! Cette méthode assez particulière, rarement vue au cinéma – déjà, 3 réalisateurs ensemble, c'est plutôt rare – a finalement porté ses fruits, même si on peut facilement remarquer les différences dans les choix artistiques des réalisateurs. Le réalisateur allemand Tom Tykwer se montre plutôt sage et s'évertue à apporter à l'histoire un côté lyrique, fluide et fascinant, à l'image de son film "Le Parfum", quitte à mettre les histoires d'amour en avant et à favoriser les dialogues à l'action. D'un autre côté, les frères Wachowski jouent plus avec les effets spéciaux, l'action et le classique sensationnel américain à l'image de leur "Matrix", tout en apportant un côté plus dramatique et violent au film. Au final, la combinaison de ces deux groupes est parfaite car, en quelques sortes, les avantages de l'un pallient les défauts de l'autre.

Avec son budget de 102 millions de dollar, ce film indépendant – l'un des plus chers de l'histoire du cinéma – s'avère être un blockbuster magnifique doté d'une complexité et d'une ambition rares de nos jours. D'aucuns trouvent que ce film, de par son scénario complexe et son style de montage alterné, représente une excellente réponse à la montée en flèche des séries télés avec leurs scénarios non simplistes, et ils n'ont pas tort. Toujours est-il que "Cloud Atlas" (ou "cartographie des nuages") est un film riche en messages. Si son histoire porte sur plusieurs destins liés à travers le temps, le film nous pose également des questions extrêmement importantes sur la condition humain. La critique de la société de consommation, le déterminisme ou, plus simplement, l'amour... "Cloud Atlas" s'intéresse à l'infiniment grand tout comme à l'infiniment petit. Son discours est à la fois humaniste ("il faut combattre l'injustice") et existentialiste ("sois le changement que tu désires dans le monde"). Le film n'est pas là pour nous apporter des réponses à nos questions concernant la vie et l'univers ni pour nous donner les solutions de problèmes personnels ou de ceux qui sévissent dans le monde. Au contraire, son discours est avant tout sensibilisateur, destiné à nous ouvrir l'esprit sur de multiples sujets et de susciter une réflexion personnelle auprès de chaque spectateur. "Cloud Atlas" est un film visionnaire à voir absolument.
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le 17 avr. 2013

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