Ça ne devrait pas fonctionner et pourtant, si, ça marche ! Bien sûr, il faut passer sur le gloubi-boulega philosophico-new-age assez risible, sur le néolangage de la sixième histoire et sur les maquillages, permettant aux acteurs de passer d'une histoire à une autre, à la limite du kitsch et de l'outrancier. La première séquence du film se révèle en ce sens assez catastrophique : comment décrire le trauma engendré par la découverte de Tom Hanks, déguisé en Russel Crowe, débitant d'un ton sentencieux des phrases censément signifiantes, le tout dans un jargon évoquant la rencontre du québécois et du petit-nègre (mea culpa, j'ai vu le film en VF) ?
Passé ce choc initial, le film se déploie tranquillement en installant ses six histoires. Le montage est habile en proposant dans sa première un ordre chronologique, permettant au spectateur de repérer chaque arc narratif et d'en mesurer les enjeux. Puis, le film va bousculer l'ordre des séquences, leur durée et travailler les ponts de passage entre celles-ci. Grâce ce subtil montage, le film acquiert une véritable fluidité : si la forme est complexe, l'organisation du film entraîne une lecture assez aisée des différents récits.
L'autre force du film se trouve précisément dans ses récits qui ne sont jamais sacrifiés aux enjeux formels du film, c'est à dire à la complexité de sa construction. Si chaque récit n'a pas la même force, ils possèdent tous une cohérence interne et un réel développement, mettant en scène des personnages consistants et crédibles. Mention spéciale à l'évasion de la maison de retraite, assez jubilatoire, grâce notamment à la truculence de Jim Broadbent. L'histoire du compositeur Robert Frobisher est étonnamment émouvante comme celle de Sonmi-451. Ainsi, Cloud Atlas gagne en ampleur grâce à la foi que les Wachowski ont en chacun de leur récit. Ce qui est moins convaincant, c'est le parallélisme forcé entre ces différents récits s’inscrivant dans une pensée philosophique de supermarché.
Clous Atlas n'est donc pas une grande œuvre mais un film assez sympathique, jamais ennuyeux, parfois surprenant, notamment quand il quitte ses ambitions de nouveau chef d’œuvre de la science-fiction. Les Wachowski semblent condamnés à ne pas pouvoir égaler leur œuvre phare, Matrix, qui contenait déjà les qualités (inventivité visuelle et construction savante) et les défauts (kitsch des costumes et discours philosophique pompeux) de Cloud Atlas. Et si leur meilleur film était en réalité la mal aimé Speed Racer ?