La forme est magistrale : le film est monstrueusement bien écrit, la réalisation exemplaire, le casting et la musique sont aux petits oignons, le parti pris est excellent et fascinant. Pendant ce long film de trois heures, nous suivons plusieurs histoires entremêlées dont la musique, un mystérieux tatouage en forme de comète et les acteurs eux-mêmes, incarnant plusieurs personnages aux caractéristiques proches dans des époques différentes, sont le fil conducteur. Les histoires s'entrecoupent également dans le rythme, les actions, les évènements, l'action appelant l'action d'une histoire à l'autre. Les époques explorées sont vastes et passionnantes : des corsaires du 19ième siècle jusqu'à un futur lointain. Film d'époque, comédie contemporaine - meilleur moment selon moi -, oeuvres de science-fiction, le film est un fourre-tout qui s'assemble fichtrement bien. Les Wachowski sont les maîtres de la complexité et ils le font assurément avec talent.
Mais, le film ne semble que se fonder sur ce parti pris esthétique et filmique, les histoires, en elles-mêmes sont inégales et parfois convenues. On peine à accrocher, je trouve, aux deux parties de sciences-fiction malgré une Hall Berry magnifique et des moments de bravoure très bien réalisés. Le message est finalement assez plat : faire des choix - ce mot étant répété à de très nombreuses reprises dans le film et dans toute la filmographie des deux réalisateurs d'ailleurs. On trouve certes des personnages émouvants, intéressants, comme ceux de Tom Hanks campés dans des rôles de lâche ou ceux de Hugo Weaves, souvent le méchant de l'histoire. Mais ils se répètent à vrai dire, d'un temps à un autre, d'une époque à une autre.C'est le même dilemme, six fois. Toute la dramaturgie et la tension s'effondrent. Et au bout de quelques minutes, le concept est éculé, il devient une fin en soi, un vide magnifique.
Malgré tout je ne peux pas en vouloir aux Wachowsky. Ils sont comme ça. Matrix m'avait déjà laissé assez froid, gavé qu'il était de toute cette virtuosité technique, de toute cette modernité froide, un film aux qualités plastiques évidentes mais qui peine à émouvoir. Or, moi j'aime pleurer, qu'importe que derrière le fond soit le papier peint de ma grand-mère. Un bon divertissement malgré tout qui vaut le coup d'oeil par l'audace formelle.