Capable du meilleur comme du pire, mais toujours là pour l'aventure (et c'est le plus important), Herzog signe avec "Cobra Verde" une œuvre qui, pour le coup, me laisse sans avis. Je sais pas trop quoi en penser, en fait. Ce film est bourré de contradictions. Déjà, Kinski, avec qui il fait ici sa dernière collaboration (et semble être, de loin, la plus sereine ; l'âge a dû jouer...). Comme toujours impressionnant. Son jeu tire sa puissance du fait que, justement, il ne jouait jamais : c'est le personnage qui venait à lui, et non l'inverse. C'est pas Fitzacarraldo ou Cobra Verde qui nous a impressionnés: c'est lui. De toutes façons, il était beaucoup trop égocentrique pour se glisser dans la peau d'un autre ! Pourtant, dans ce film, on perçoit une franche fatigue. Tantôt ça sert l'intensité de son jeu, tantôt on a l'impression qu'il va faire une attaque. Mais bon, lui au moins il tient la route pendant tout le film ! Je n'ai jamais vu des rôles secondaires aussi ratés que dans ce film, vraiment. Herzog a toujours été assez maladroits sur ce plan-là, mais là, on atteint des records. Rien que le gamin tenancier au début du film: surjeu absolu (on a l'impression que l'acteur est défoncé), dialogues improbables, rôle non-défini. Et ce n'est que le cas le plus représentatif, ils sont tous dans la même trempe. Et ça a finit par m'énerver. Et ça m'a donc saoulé. Et du coup, j'ai été très rarement dans le film. Quand aux Africains représentés... Je n'ai jamais été en Afrique, et je sais que le film se passe à une époque lointaine, mais suis-je le seul à trouver que c'est pas mal cliché ? L'histoire, en tout cas, l'est assurément : elle avait des supers bases, elles sont toutes pulvérisées par un schéma visible à des kilomètres, des situations prévisibles, et le caractère quasi-RPG des personnages n'aide pas (excepté Cobra Verde, qui pour le coup est complètement charismatique)...
Donc, le fond est raté. Mais la forme est réussie... La mise en scène est belle. Et surtout, Herzog nous offre ici les deux plans les plus réussis de sa carrière entière: Kinski fixant le crépuscule dans le ciel, les pieds dans la mer, avec le dialogue J'aspire à un autre monde... ; et surtout le long plan-séquence
où l'on voit Kinski tenant d'amener sa barque immense (clin d’œil pessimiste à l'exploit de "Fitzcarraldo") à l'eau, mais qui finit par être littéralement happé par les vagues et trainé dans le sable. Il me fait penser à un poisson hors de l'eau, une algue que la mer trainaille. Ce plan constitue la première partie de la fin du film, avec les Africains entonnant un chant. Une Africaine fixe la caméra, elle est magnifique. La fin est aussi géniale et hors du commun que le reste du film est inconsistant et commun.
Voici donc pourquoi j'ai beaucoup de mal à juger "Cobra Verde". Mais, définitivement, l’insipidité de l'histoire et les personnages qui atteignent le paroxysme du ridicule m'ont complètement empêché d'apprécier la beauté du cadre. Dommage. Assurément le moins bon cru d'Herzog-Kinski (le seul mauvais en fait : les autres sont chaudement recommandés).