Ne te plains pas que la mariée soit trop belle.
Sans une critique dithyrambique de Bertrand Tavernier sur ce film, je serais certainement passé à côté de cette belle réussite.
Cœur de lilas raconte un meurtre que doit élucider un inspecteur, et dont les soupçons se portent sur Lilas Couchoux.
C'est le troisième film de Anatole Litvak, et le premier en langue française, qu'on connait pour La fosse aux serpents ou La nuit des généraux, et il faut dire que c'est très bien filmé. En effet, on voit très bien le Paris de la Belle époque, et il y a certains plans très audacieux pour l'époque, comme l'utilisation de la grue pour un long travelling latéral.
Cœur de lilas représente aussi les débuts de Jean Gabin (c'est son 8eme film), qui joue un rôle secondaire de voyou, ceux de Fernandel (qu'on voit surtout à la fin, et dont c'était le 4eme film), mais ce fut malheureusement la fin de Marcelle Romée, l'interprète de Lilas, qui se suicidera un an après la sortie du film.
En la voyant aussi lumineuse, aussi pétillante dans ce rôle, de sa vie, et sans gouailleries, le cinéma français des années 30 a sans doute perdu un grand talent, et qui fut en plus d'une grande beauté.
Romée est accompagnée par un des grands acteurs du cinéma muet, André Luguet, qui est aussi très bien, et dont on voit bien le déchirement moral entre son amour pour Lilas, et les doutes qui pèsent sur elle en tant que meurtrière. On y trouve aussi Fréhel, qui elle sonne très Parisienne dans le ton.
Le film propose aussi deux scènes chantées ; une où Gabin chante "La môme caoutchouc" et Fernandel, ainsi que André Luguet chantent "Ne te plains pas que la mariée soit trop belle", car la fin du film se déroule durant un mariage.
C'est assez court (1h23), mais suffisamment trépidant, et je le répète, une vision formidable du Paris des années 30.
Tout comme plusieurs films du début du parlant, le son n'est pas toujours optimal, et les bruitages sont souvent absents ; c'est sans doute pour cela que les acteurs donnent l'impression de parler très fort, dû à la technique balbutiante de l'époque.
Le rythme inhérent au muet se retrouve ici parfois, avec une accélération soudaine de l'image (surtout pour des mouvements rapides, comme une fuite) ou la musique qui s'emballe soudainement.
Ne vous fiez pas à l'affiche, qui annonce à tort Gabin en vedette, et regardez cette perle méconnue du cinéma français et des regrets sur Marcelle Romée.