Cœur de verre par Morsula
Sorti en 1976, Coeur de verre est sûrement l'un des films les plus hermétiques du réalisateur allemand Werner Herzog mais aussi l'un des plus originaux.
Fin du dix-huitième siècle, un petit village sombre progressivement dans la folie. Mühlbeck, le contre-maître de la verrière du village est mort, et avec lui le secret du verre rubis, unique richesse du village. Les habitants font appel à Hias, le berger qui murmure des prophéties, pour tenter de redécouvrir le secret perdu. En vain, les tentatives de façonner le verre rouge échoueront. Le village court à sa perte...
Ce qui est fantastique avec Herzog c'est que dans ses films la limite entre la fiction et le documentaire est floue. Elle l'est d'autant plus que le cinéaste brouille volontairement les pistes en filmant ses films de fiction de façon très documentaire et ses documentaires de façon à leur donner un peu un aspect de fictions.
Coeur de verre s'ouvre donc sur une scène assez similaire à celle de Cobra Verde. Hias est filmé de dos, immobile, et en arrière plan des vaches dans un espèce de brouillard semi-matinal. L'immobilité et la lenteur, c'est ce qui pourrait caractériser ce film. L'action est lente, et c'est assez déroutant effectivement pour un public habitué à des films d'action où l'action se déroule très rapidement et où le cadre est posé en quelques instants.
Coeur de verre c'est aussi la sublimation d'une région, la Bavière, où Herzog a passé son enfance. On retrouve donc constamment des tableaux typiques chers au cinéaste : fleuves, forêts, maisons, tavernes, etc.
Le film a des scènes très stylisées, et c'est vraiment un procédé propre à Herzog. Certaines scènes sont stylisées au point d'en être totalement irréalistes, comme par exemple la bagarre dans la taverne qui ressemble plus à un rituel étrange entre deux animaux qu'à une dispute entre alcooliques.
La lenteur notoire du film s'explique également par le fait que les acteurs jouant dans le film, à l'exception d'Hias le berger, qui garde toute sa lucidité en annonçant des prophéties qui finissent toujours par se réaliser, jouent sous hypnose. On assiste donc à une transe collective qui mène les villageois dans une folie incurable, qui les pousse à chercher un secret perdu à jamais.
La musique parlons-en. Composée par le groupe Popol Vuh, elle s'inspire de la musique du Moyen-Âge et accompagne parfaitement le spectateur dans cette transe hypnotique qu'est le film.
Coeur de verre est un film intéressant et fascinant mais la lenteur pourra rebuter ceux qui ne savent pas apprécier le cinéma de Herzog, qui se trouve aux antipodes des productions des blockbusters américains.
Je ne suis pas critique professionnel de films donc l'analyse cinématographique ne m'intéresse pas. Pour moi Coeur de verre est un film à regarder car il touche le spectateur d'une façon étrange, difficile à expliquer mais certaine.