Rendez-moi Virgil ou dézinguez-le vraiment
J'aime assez les polars noirs. J'aime particulièrement Tarantino. Je suis fan de True Romance. J'aime réfléchir, aussi.
Film singulier que ce Cogan car, au final, j'ai retrouvé tout ça, mais sans jamais décoller. Pire, ce qui aurait pu me faire basculer vers un plaisir coupable, a été laminé par une déception.
Cogan n'est pas un mauvais film. Noir, belle photo, il explore assez bien un monde sans âme bercé par la simple mélodie du fric. C'est sordidement américain cette banlieue pourrie, avec ses trous pourris, ses enflures, ses cercles de jeu nauséabonds, ses troquets sans autre âme qu'une télévision tournant en continue. Comme dans un bon Tarantino des familles, on a droit à nos beaux échanges verbeux autour d'un verre, à ces monologues improbables sur le cul, un détail de la vie, sa femme. Les dialogues assurent juste ce qu'il faut, sans jamais renouveler le genre mais bon, ça fait le job. On peut réfléchir à cette métaphore de la crise, à ces discours de G.W.Bush et à ceux d'Obama, à cette superbe dernière réplique de l'ami Brad Pitt sur ce que sont réellement les USA.
Et puis vient le syndrôme True Romance. Un tueur à mes yeux, reste un tueur. S'il a des états d'âmes, autant le faire avec un poil de conviction. Mister Gandolfini fut un grandiose Virgil, un éclatant Soprano. Ici, mode du contre-emploi histoire de se la jouer rebelle, il se retrouve tueur vidé, totalement paumé entre sa passion pour l'alcool et le cul. Et là, c'est le drame. Désolé pour les spoales, il est encore temps de partir.
Toujours là ? Ok, je continue la descente aux enfers. Le scénariste a la grandiose idée de faire dire à Pitt, tueur visiblement de très haut vol, qu'il a des états d'âmes à tuer un mec qu'il connaît ; une question d'affect. D'ailleurs il n'aime pas tuer de près, il préfère le faire de loin. OK. Pitt propose donc de faire appel à un vieux pote, un pro. OK. Voici donc Ganfolfini. Problème, ce dernier ok pour le faire mais mal dans sa peau ; il picole, baise, se pose des questions, repicole, rebaise. Alors Pitt se dit qu'il va faire le job. Il fracasse un première cible à 1m50, pulvérise celui qu'il ne voulait pas flinguer pour des questions d'affect dans une belle boucherie avant de flinguer un dernier à 30 cm. Gandolfini ? Ejecté comme une grosse merde par une simple phrase.
Ce film dispose de véritables atouts parmi lesquels Ray Liotta, de bons moments comme cette séquence de dialogue de sourd en mode shoot, l'assassinat esthétique de Markie. Pitt n'est pas mauvais, Gandolfini est bon. Mais voilà, faute à un scénario qui se tire dans les pattes autour d'un héros-tueur-touché-par-l'affect-mais-en-fait-non-pas-tant-que-ça, d'échanges tarantinien sans en avoir le talent et la saveur, de vastes coups de frein juste après avoir livré une belle séquence, on se retrouve devant une œuvre qui m'a laissé le sentiment désagréable du truc inachevé.
Une sorte de sous tarantino, de sous Drive, tout en étant pertinent par moments, notamment dans la critique de fond du système US. Un film aussi chiant qu'intéressant bref, un drôle de film.