Loin de l’explosion musicale et passionnelle promise, Cold War souffre en fait d’un terrible manque de crédibilité : la dichotomie fond/forme y est telle que ces derniers, irréconciliables, semblent former deux films différents. D’une part, Paweł Pawlikowski gère la technique et mérite son prix de la mise (à Cannes) en scène… À tel point que la plasticité des scènes en devient parfois même indigeste et irréelle. De l’autre, Joanna Kulig et Tomasz Kot se démènent avec des personnages irrationnels qui vivent une histoire alambiquée - qui alterne entre le sublime et le sinistre -, d’un tragique quasi-absurde. Leurs amants maudits le sont au point qu’ils prennent systématiquement la mauvaise décision ; bloc de l’Est oblige, cette “mauvaise décision” pouvant à chaque fois les emmener très loin dans l’odieux.
La totale absence de liant entre réalisation et personnages empêche le spectateur de s’impliquer émotionnellement dans l’intrigue. Les moments musicaux traversent certes le film, de la musique folklorique au jazz en passant par le rock mais demeurent terriblement courts, manquant systématiquement d’être transcendants (peut-être toujours à cause de la froideur de la réalisation). Par ailleurs, le film se déroule entre les années 50 et 60 mais la représentation historique d’une période à l’imagerie pourtant marquée demeure d’une grande pauvreté.
Dans sa deuxième partie, le rythme s’accélère et les ellipses sont de plus en plus nombreuses : le film tend à ressembler de plus en plus à une démonstration de technique. On n’en voit plus la fin ; pourtant, il ne dure qu’une heure et vingt minutes. Les dix dernières sont d’ailleurs absolument improbables et achèvent d’enterrer toute émotion chez le spectateur.