Commençons par mettre en lumière ce qui ne fait pas (ou peu) débat à propos de Cold War. À savoir, le formidable travail de l'image. Le noir et blanc, les décors, l'ambiance, tout cela est somptueux. J'ai été conquis également par la musique du film. Tout particulièrement la chanson Coeur, interprétée d'abord par l'ensemble folklorique polonais, puis réarrangé en ballade jazz par Wiktor (Tomasz Kot) chantée par Zula (Joanna Kulig). Tout cela confère au film une ambiance années 50 très feutrée.
L'atmosphère est là, la beauté plastique incontestable. Et pourtant. J'ai eu comme l'impression que le sujet a été survolé. Le grand absent à l'écran, c'est l'Amour. La faute peut-être aux nombreuses (et brutales) ellipses dans le récit. Cet Amour entre les deux artistes polonais est censé être un personnage à part entière dans Cold War. Il aurait du m'emporter, comme il a emporté Zula et Wiktor. J'avoue n'y avoir pas cru une seule seconde. Au mieux ai-je pu percevoir une tension sexuelle entre eux deux. À aucun moment leurs sentiments ne sont rendus tangibles et concrets.
La souffrance que provoque leur séparation, elle, est bien là. Elle est montrée. Seulement il ne m'a pas été possible de la comprendre. D'autant que les obstacles qui séparent Wiktor et "la femme de sa vie" semblent à chaque fois surmontés avec une déconcertante facilité.
À un instant on est à Berlin Est, la minute qui suit on a traversé la frontière avec l'Ouest à pied, sans encombre. Plus tard dans le film on retrouve Wiktor dans ce qui ressemble à un camp de travail pour les traitres à la patrie, puis il en est libéré en un claquement de doigts par piston. À l'écran, la période d'enfermement est expédiée en 2, 3 minutes tout au plus.
Tout cela tient sans doute à la durée du film. Traiter une période de l'histoire aussi riche, des développements dramatiques aussi nombreux, et des sentiments aussi forts en moins d'une heure et demie relève au mieux de l'exploit, au pire de l'impossible. Il manque à Cold War une idée de cinéma, et un langage amoureux plus incarné et personnel. C'est dommage, car j'aurais bien aimé être séduit par le film.