Rien de bon n'est jamais sorti des camps
Neutraliser l'ultra-violence par l'ultra-violence, voilà l'idée "de génie" de certains entrepreneurs américains, créateurs inspirés des "boot camps", centres privés d'internement pour délinquants juvéniles. Créateurs inspirés, oui, car d'un point de vue lucratif les bougres doivent s'en mettre plein les fouilles en capitalisant sur la détresse de parents prêt à refourguer leur gamin un peu trop difficile au premier démarcheur en uniforme venu. D'un point de vue pédagogique, c'est sans surprise un désastre sans nom (pédagogie n'existe pas dans le vocabulaire de ces types, pas plus que psychologie : pour eux ce sont toutes deux des maladies urinaires, sans doute). Et d'un point de vue humain, ... et bien, Mao et Staline n'aurait pas renié une telle initiative, si ce n'est sans doute son côté "privatisé".
Coldwater traite de ce sujet en envoyant le héros dans un boot camp éponyme car il a, entre autre chose, dealé de la drogue. Film qui ne nous laisse pas indemne, c'est un pamphlet brûlant contre ces pratiques honteuses dans le pays des droits de l'Homme et son premier défenseur, qui chaque année apporte son lot de scandales aux USA, sans jamais que leur existence ne soit remise en question. Toute ressemblance avec le port d'armes étant bien évidemment fortuite... Bref. Le film, disais-je, à défaut d'être une révolution complète ou un chef-d’œuvre, rempli son boulot d’œuvre engagée et nous donne clairement envie de prendre un billet pour les States, d'acheter un bulldozer et d'aller raser tous ces camps une bonne fois pour toutes.
Car il faut voir ce qui s'y passe, et le film vous le montre habilement. Vincent Grashaw a opté pour une réalisation brutale sans être voyeuriste, préférant se concentrer sur la douleur des détenus que sur l'objet de leur douleur ; comprendre par exemple l'homme sous les coups de matraque plutôt que la matraque. Un parti-pris qui refuse de filmer trop longtemps l'animal que sont les instructeurs auto-proclamés et le colonel Whisky-Divorcé qui sont censés représenter l'autorité. Non, mieux vaut se concentrer sur l'humain qui souffre sous ces coups gratuits et vains, car de fait la violence n'a jamais résolu la violence, et ça tout le monde le sait (à part eux).
Une myriade de jeunes et talentueux acteurs entrent au service de votre implication émotionnelle dans ce film qui, faut-il le répéter, est avant tout une claque qui vous prend aux tripes. Car ces jeunes, cela pour être n'importe qui d'entre nous. Ce ne sont pas des psychopathes, simplement des délinquants. Et si nous ne sommes pas tous dealers de drogues (sauf à ce que les conseillers d'orientation aient changé de méthode d'ici là), nous aurions pu tous nous égarer de la sorte, en certaines circonstances.
Ces jeunes, dont on voit le futur gâché par des parents débiles confiant leur progéniture à des plus débiles qu'eux (ce qui relève du tour de force) pendant 1h44, auraient eu besoin d'un bon psy et d'une assistante sociale, pas d'un Rambo raté et de sa clique de tortionnaires.
Le film se conclut par un bandeau rappelant le nombre annuel d'accidents, entre guillemets, liés au Boot Camps. Engagé jusqu'au bout, il nous aura fait souffrir avec le (les) héros et aura le mérite d'éclairer ce qui ignorait tout de cette pratique qui contribue à écorner la prestigieuse image américaine.
Un grand moment de cinéma, et bien plus encore.
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