Certains y verront des similitudes à Drive, d'autres encore avec Les Poings entre les murs. Pourquoi comparer un film à d'autres quand il s'agit d'emblée de saisir l'oeuvre dans sa singularité? Surtout que, s'il fallait le comparer à un film, sur son sujet véritable, nous devrions tous regarder un film traitant du même sujet et surpassant dans bien des domaines ce Coldwater généreux mais péchant par excès dans des fautes de scénario grotesques, j'ai nommé, Scum (Alan Clarke).
Mais revenons d'abord à l'intrigue. Un jeune homme réveillé au beau milieu de la nuit par deux de ses futurs geôliers se voit incarcéré dans un camp de redressement, gouverné par un ancien capitaine des marines qui emprunte TOUS les clichés du marines retraité, jusqu'au speech d'entrée des nouveaux bagnards. Passé le discours pompeux vu et revu et ne relatant aucune vérité, notre héros (puisque c'en est un) se la joue taciturne, taiseux et se révolte contre l'injustice régnant sur le camp. Et le film ne cesse de pécher dans la trame: s'en suivent une série d'injustices trop grossièrement mises en scène pour ne pas éveiller notre sentiment de révolte.
Coldwater ne manque pas de talents pour autant, servi par un cadrage non-négligeable et une mise en scène intelligente bien que foncièrement maladroite: les gros plans accentuant les injustices comme la rapide agonie de Jonas, le pauvre petit black souffrant sa peine car il a commis un vol à l'étalage, sont, ici, de trop. Car le film n'offre pas de raisons suffisantes pour croire à la présence de chaque détenu. Brad, le héros, purge sa peine pour n'avoir commis aucun véritable crime (il l'a certes engendré mais il n'a rien commis, de facto) et le choix du scénario est de faire culpabiliser la mère qui a eu la divine idée de l'envoyer dans un camp de redressement. Ce n'est tout simplement pas plausible.
Il existe en fait, un trop grand décalage entre la réalité des camps, le comportement des soit-disants bourreaux et l'affliction des détenus. Elle est trop instantanée, trop visible pour être saisie comme réaliste. Il n'est donc plus question de plausible, mais d'une remise en cause de la construction des personnages et de leur comportement. On aurait envie d'y croire car l'intrigue est saisissante mais un certain blocage coexiste en parallèle.
Brad, incarné par PJ Boudousqué (impeccable dans son premier rôle, sosie en puissance de Ryan Gosling) est un personnage intéressant, bien servi par la caméra de Vincent Grashaw qui ne cesse de jouer avec le long front de Boudousqué (ce qui devient d'ailleurs légèrement agaçant quand on sait que Refn a fait exactement la même chose avec Gosling dans Drive, puis dans Only God Forgives, surtout quand on note aussi les douteuses similitudes au niveau des sonorités extra diégétiques), est peut-être le seul acteur bon sur toute la ligne. Et heureusement d'ailleurs!
La mise en scène, déjà énoncée avant, n'est pas mauvaise. On a déjà vu ça avant: ralentis récurrents, musique extra-diégétique soulignant l'intériorité des personnages et leur désir de violence, gros plans sanguilonnants et dialogues pauvres. Le dernier élément n'est pas utilisé à bon escient car, là où Refn mettait en lumière la véritable passion de ses personnages, Grashaw ne fait que mettre en évidence la faiblesse première de son film: c'est attendu, venant rompre tout suspense.
Coldwater reste, au demeurant, agréable à visionner. Mais à trop vouloir montrer la cruauté des bourreaux, Grashaw en oublie de montrer les autres questions sous-jacentes que suggère un tel sujet: la survie des détenus, leur entraide et la création d'une communauté, solidaire, ou non.