Walbrook s'en va-t-en guerre...
Né quelques années plus tôt dans une caricature de David Low, le Colonel Blimp va servir de prétexte au duo Michael Powell - Emeric Pressburger pour réaliser en 1943 un film de propagande vantant la glorieuse armée de sa majesté.
1902-1942, Clive Wynne-Candy passera du rôle de jeune lieutenant fougueux tout droit décoré de la guerre des Boers à celui de vieille baderne de Major-General en charge de la Home Guard pendant la seconde guerre mondiale...
Quarante années, trois guerres, un duel, une amitié anglo-prussienne et une histoire d'amour plus tard, nos deux compères ont parfaitement oublié leurs intentions propagandistes et se laissent emporter par leur merveilleuse histoire, légère et suave comme une gorgée d'ale dans un pub bondé.
Un technicolor magistral nous emporte sur les traces de ce personnage que Roger Livesey parvient à rendre terriblement attachant. Dernier vestige d'un monde qui s'écroule, d'un monde qui veut croire encore aux vertues du fair-play et au sens de l'honneur, mais qui se retrouve devant les faits aussi désemparé et gentiment désuet qu'une cuillère à pot sur le comptoir d'un fast-food.
Anton Walbrook est son ami Prussien, il apporte au personnage une gravité émouvante qui fait merveille en contrepoint de la douce quiétude du héros principal. Le fruit de leurs attentions à tous deux est incarné, par trois fois je vous prie, par une Déborah Kerr débutante qui réussit pour la première fois à ne pas ressembler à une petite soeur des pauvres...
L'ensemble baigne dans une ambiance charmante, des tranchées françaises à la campagne anglaise en passant par le charmant appartement londonien, tout respire agréablement l'infâme rata militaire, la bière des brasseries berlinoises et l'insipide thé anglais.
Merveille charmante que peu sauront goûter, j'en ai peur, la projection de samedi dernier s'est passée dans une ambiance des plus glaciales, et mon bon rire, qui rappelle il est vrai plus souvent la franche hilarité de l'otarie que le flegmatique sourire britannique, résonnait bien seul dans cette salle frippée remplie d'oiseaux morts qui auraient mieux fait de laisser cette friandise à ceux à même de l'apprécier.