Colonel Blimp c'est grand. C'est immense. C'est 40 ans d'histoire, 3 guerres à travers un homme avec ses forces et ses défauts, plein de fougue et tête brûlée qui prend de l'expérience jusqu'à devenir un boomer qui n'a plus sa place dans le monde qu'il connaît si bien : la mort (métaphorique donc) du personnage, destin irrémédiable mais pas funeste.
C'est un film de guerre sans guerre qui ne tirera pas de coups de feu (sauf pour marquer le temps qui passe) se concentrant sur le côté humain et la trajectoire touchante de ce militaire. Le tout accompagné de sa belle amitié avec un "ennemi" allemand et la douce poésie de ce visage qu'il garde auprès de lui à travers Edith puis sa femme puis sa chauffeuse.
Techniquement, c'est sublime. Powell encore une fois utilise le Technicolor de manière surprenante et subtile, à travailler en premier lieu les blancs, les couleurs vives étant davantage mises en valeur quand elles sont à l'écran. Très bien filmé, la réal a ses fulgurances. Je retiens la transition vers le passé dans les bains turcs ainsi que la scène avec l'orchestre dans le café, digne d'un comique du muet à la Chaplin. Mais il y en a d'autres bien sûr.
Un petit bémol peut-être sur la partie en France au milieu du film qui me semble constituer un ventre mou. Un peu moins pertinente narrativement et beaucoup plus cheap niveau décors, ça sent le studio. Mais je pinaille.
Niveau acting, c'est là encore d'une justesse absolue. Deborah Kerr jouant 3 personnages différents avec suffisamment de nuances pour bien les distinguer, Livesey qui campe bien toutes les facettes de notre personnage mais surtout SURTOUT Anton Walbrook qui bouffe des rouleaux de peillicule par paquets de 12 dès qu'il entre dans le cadre. Son charisme, sa sympathie en allemand avec son anglais inexistant puis hésitant avec l'accent présent mais léger. Et en point d'orgue ce monologue mais quel frisson ! Autant adressé à l'officier chargé de juger son cas qu'à nous spectateurs avec ses longs regards caméras, appuyés, intenses, insistants.
Sorti en pleine seconde guerre mondiale, Colonel Blimp refuse de faire dans le patriotisme voire dans le politiquement correct (de l'époque s'entend). En grand amoureux des personnages féminins forts, P&P donnent également à Edith Hunter une séquence plus forte pour le féminisme que ce qui ne se fait dans 90% des superproductions américaines actuelles parce que c'est fait avec sincérité (Et voyez le Narcisse Noir des mêmes gars si vous en doutez).
C'est un beau et grand film, plein d'amour pour ses personnages à découvrir ou redécouvrir sans tarder