Le Japon vit de gros problèmes de société, comme toute société qui se « respecte », et c'est ici que Colorful puise son énergie, s'attaquant à l'ijime, que l'on pourrait comparer aux brimades que subissent les adolescents américains, qui en viennent jusqu'à se suicider.
Bien que le sujet soit relativement laissé de côté dans les mangas mainstream, on peut néanmoins en trouver certains qui abordent le sujet, notamment dans les seinens, mangas ciblés pour un public plus ou moins jeune (les 15/30 ans). On trouvera parmi ceux-ci Lain, incontournable du genre, mais aussi dans La Fille des Enfers, School Days, ou encore Suicide Island.
Adapté du roman de Eto Mori, ce Colorful est une véritable fable sur l'espoir, l'amour de la vie, l'amitié (la bromance ici), l'amour filial, en somme un vaste panel émotif et réflectif.
Notre protagoniste, dont la mémoire a été gommée, se voit offrir une seconde chance, ou plutôt une mise à l'essai, dans laquelle il devra découvrir la vie de ce jeune homme, et comprendre les raisons qui l'ont poussé à commettre l'irréparable. Peu motivé, car à la base soulagé d'être enfin arrivé à la fin du dur périple que peut être une vie, il finira par y découvrir certaines beautés que l'adolescent n'avait pas eu le temps d'effleurer, en particulier durant la seconde partie du métrage, la première se focalisant d'abord sur les heurts du quotidiens (bien que l'ange gardien Purapura, légèrement loufoque, vienne apporter une touche de légèreté évitant l'apitoiement et diminuant l'aspect maussade).
Toujours dans la délicatesse, contemplatif, froid comme est capable de l'être le peuple nippon, il vacille progressivement et nous emporte dans des situations dont l'escalade émotive nous happe, nous secoue, et finalement déborde de sentiments au point de nous faire nous aussi aimer la vie, puisque des jeunes mal lotis peuvent eux-aussi connaître le bonheur.
Bref, Colorful est une déclaration d'amour à l'humanité, la vie, un message optimiste (sans être non plus bêtement idéaliste) et à la fin de la pellicule on a presque l'impression d'avoir reçu une petite tape dans le dos, comme celle que nous faisait notre mère (ou père) quand les choses étaient au plus mal.
Le studio en charge n'est pas Ghibli, c'est une certitude, donc il faudra bien admettre que techniquement il y a des irrégularités, l'animation n'étant pas aussi fluide. Néanmoins, l'équipe s'est attelée à fournir un chara-design proche de Taniguchi, nous servant des Japonais qui ressemblent à des Japonais, ainsi que des décors fourmillant de détails, que ça soit la végétation, le mobilier urbains ou les badauds en arrière-plan. Le montage est également bien jaugé, assurant quelque chose de très cinématographique, avec des plans et jeux de lumières finement choisis, certains clouant sur place tant ils paraissent être des fresques vivantes. Un autre effort à été concentré sur les expressions faciales, de façon à donner réellement vie — puisque c'est le propos — à tous ces personnages aux personnalités disparates. On pourra toujours se montrer dubitatifs envers certains ajouts en images de synthèse pas toujours au top de la technologie, mais ceux-ci étant minimalistes, on en fera facilement abstraction.
Tout cela ne serait pas parfait s'il n'y avait pas une bande-son mémorable, et c'est heureusement le cas, Ko Otani nous fournissant quelque chose riche en thèmes enchanteurs, dont certains resteront sans aucun doutes inoubliables (dont ceux à l'harmonica).
Pour conclure, le public d'otakus amoureux de récits philosophiques et intelligents aura probablement le long-métrage à épingler sur sa liste de productions favorites. Celui préférant l'animation enfantine ou hype aura en revanche plus de mal à y accrocher, le divertissement ne se situant pas au même niveau. Le quidam étranger à cette culture aura quant à lui toutes les raisons de marquer un arrêt et se laisser enivrer par ce conte contemporain en phase avec notre époque.
Mention spéciale pour le doublage Japonais, assuré avec maestria et décuplant l'implication du spectateur. Parmi les interprètes on notera Kazato Tomizawa (déjà personnage principal dans le précédent film du même réalisateur, Un été avec Coo), Aoi Miyazaki (surtout actrice, connue pour Eureka et Nana) ainsi que Jingi Irie (encore jeune, dans le métier que depuis 2008 ). Du très beau travail.
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