Que les choses soient claires : si Monica Bellucci apparaît comme une actrice moyenne dans le film de Gilliam, chez Blier elle est carrément nulle, ni plus ni point.
En réalité, cette femme n'est pas une comédienne, c'est un corps. Sa beauté irréelle, sa plastique stupéfiante sont tout ce qu'elle a à offrir, et de toute évidence c'est tout ce qui a intéressé Blier. Alors il la filme en bon Pervers Pépère : pas un plan où elle ne se déshabille, pas une séquence sans que le regard du spectateur ne soit irrésistiblement aimanté à l'opulence extra-terrestre de ses seins, nus ou en décolleté, ou à la rondeur extraordinaire des ses hanches. Là est le seul intérêt du film : regarder évoluer sous l'oeil vicelard d'un réalisateur qui maîtrise mal les érections de sa caméra une femme dont la perfection physique dégage une rare violence sexuelle, un objet plastique à couper le souffle filmé sous toutes les coutures, un corps sans âme dont la perfection irréelle est renforcée par l'absence de jeu, d'interprétation, de vie.
A l'image de Francesca Dellera, autre fantasme hallucinant et creux comme seuls l'Italie et les Etats-Unis sont capables d'en produire, le talent de Monica Bellucci, c'est son corps.
Le problème, c'est que Combien tu m'aimes ? pose aussi la question : "quel est le talent de Bertrand Blier ?". Le titre de son film semble être une adresse au spectateur, et l'on est bien malheureux de devoir lui répondre à la sortie de salle : "ben pas cher, sur ce coup".
Le meilleur de son long métrage réside en de trop rares instants où l'on retrouve ce qui fait le brillant de cet auteur autrefois grand : sens du dialogue, absurdité violente des situations, humour décalé, tendresse sauvage, ellipses radicales, apartés des personnages, etc.
Le reste du temps, c'est de la redite pauvre : quand on n'a pas l'impression d'avoir déjà entendu tel dialogue ou vu telle situation, ce sont certains plans qui nous semblent trop familiers.
Son histoire, Blier l'a déjà écrite, déjà filmée par le passé, mais en mieux, en moins manichéen et en moins moral. La beauté radicale qui fascine le monde entier et pose problème (Trop belle pour toi), le sacrifice et le triangle amoureux (Tenue de soirée, Préparez vos mouchoirs), la pute et le malheureux (Mon homme), etc.
Ici, il nous parle d'une pute devenue sainte (deux icônes italiennes et bibliques en puissance) et clôt le tout dans un happy-end guimauve écoeurant, perdant au passage son sens de l'orchestration. Parce que c'est une pute et que c'est Pigalle, on a droit à du saxophone façon Herbert Léonard : pas brillant .
Au milieu de tout cela, les acteurs peinent à être bons : Bernard Campan, magistral dans Se souvenir des belles choses, traverse tout le film avec une seule expression de visage, Gérard Depardieu fait semblant, François Rollin ne trouve pas ses marques dans le phrasé si particulier de Blier, Jean-Pierre Darroussin semble gêné, Edouard Baer frôle la figuration.
A plus d'un niveau, navrant et agaçant. Quel dommage.