John Matrix reloaded

Je viens de voir un des films les plus hallucinants que j'ai vu dans ma vie.
Commando, depuis des années je me demande ce que vaut ce film très connu, considéré par les amateurs du cinéma d'action comme une œuvre culte, mais vue par d'autres comme un nanar (le film est d'ailleurs répertorié sur Nanarland).
On avait même eu une analyse du film lors de mon année prépa d'école de cinéma, sans en voir des extraits néanmoins ; ça ajoutait à ma confusion.
Ce n'est que très récemment, après un visionnage de L'effaceur, que j'ai regardé un extrait en VF de Commando, et là j'ai compris.
C'est un blockbuster aux aspects nanardesques, qui pousse encore plus loin la bêtise de certains éléments inhérents au genre du film d'action.
Et en plus le doublage français est hilarant.
Dans sa critique, Zombiraptor a, avec justesse, comparé Commando à ce qu’aurait donné une adaptation en long-métrage des aventures de Jack Slater, héros d'action fictif, issu du parodique Last action hero.

Dès le début, c’est d’un n’importe quoi total à hurler de rire.
Les méchants de Commando sont très très méchants, ils n’ont aucun problème à liquider des gens dans la rue, très bruyamment, quitte à en remettre une couche en mitraillant encore leur corps criblé de balles, et ce sans oublier de lâcher une réplique qui tue.
Mais le vrai badass du film, c’est Schwarzenegger. A son arrivée : gros plan sur son biceps, gros plan sur ses jambes massives, gros plan sur une tronçonneuse, gros plan sur l’autre biceps, celui du bras qui porte un tronc d’arbre ! Le découpage du film met au même niveau l’outil mécanique et les muscles, le messages est clair : ce n’est pas un homme, c’est une machine !
Le héros, répondant au nom très badass de John Matrix, est un ancien soldat d’élite devenu… papa poule. Une reconversion incongrue pour un type comme Schwarzie, à laquelle on a "l’intelligence" de faire écho dans une scène autrement très bête où, après la démonstration de force du début, on croit qu’un ennemi s’avance derrière Matrix, et que celui-ci va le décapiter, alors qu’il s’agit de sa fille que le héros prend dans ses bras.
S’il remplace la figure maternelle décédée en se comportant de façon très mièvre avec sa progéniture, Matrix va dans la suite du film prouver qu’il a encore des couilles (celles-là-même que son némésis menace de lui retirer plus tard).
Matrix apprend qu’il est en danger, deux militaires sont chargés de le protéger, mais en même pas 5mn ils sont déjà morts. Matrix s’en sort sans aucunes égratignures, mais sa fille est enlevée !
Un des kidnappers joue aux énigmes ? Matrix lui fout une balle dans la tête en sortant une blague. Matrix n’a plus de freins sur sa voiture ? Il fonce sur les méchants ! L’ennemi est dans une cabine téléphonique ? Matrix soulève la cabine et la renverse !
Que ne ferait-on pas pour sa fille ?
Quand Matrix doit braquer un magasin, il défonce la devanture avec un bulldozer ; ce ne serait pas en accord avec la personnalité over-the-top du personnage sinon, ça n’irait plus…

L’intrigue dans ses grandes lignes, celle qui justifie tout le massacre, n’est pas si bête que ça.
Mais autrement, le film est génialement outrancier, c’est une succession de scènes qui laissent bouche bée, la mâchoire bloquée, des scènes où on se dit sans arrêt "mais comment ils ont osé ?", des scènes qu’on n’aurait jamais imaginé voir.
Commando est véritablement une parodie de films d’action, où tout semble traité au premier degré ; néanmoins l’effet est le même : on éclate de rire. Et c’est tellement osé qu’on ne rit pas du film, mais avec lui.
Pour compléter le tableau, le némésis de Matrix surjoue à mort, les méchants ont tous des voix plus ou moins bizarres en VF, les one-liners et répliques incroyables s’enchaînent (en parlant de Matrix : "qu’est-ce que vous craignez ?" – "La 3ème guerre mondiale"), et bien sûr il y a un thème musical qui reste en tête.
Mais le film ne serait pas complet sans la scène où John Matrix tue à lui seul au moins 150 hommes, et s’en sort avec juste quelques blessures.

Qu’un film à gros budget pareil existe, ça tient aussi bien du scandale que du miracle.
"John Matrix s’empare de la cabine téléphonique avec son occupant, la soulève à bout de bras au-dessus de sa tête, et la renverse avant de rejeter cinq agents de sécurité essayant de l’immobiliser", un producteur a lu ça et a autorisé que ça se fasse ?!
Que sont devenus les scénaristes de Commando ? Ils n’ont rien fait de tel depuis en tout cas ; par contre, il s’avère que l’un d’eux n’est autre que Jeph Loeb, auteur de comics réputé à qui on doit le très populaire "Batman : the long halloween".
Avec ce film, on n’est jamais au bout de ses surprises.

A noter qu’il existe aux Etats-Unis une édition DVD collector, qui traite mieux les spectateurs Français que la division française de 20th century Fox, puisqu’on peut y trouver le film en VO et en VF, en version cinéma et director’s cut, avec dans ce dernier cas des sous-titres pour les scènes supplémentaires qui n’ont pas été doublées.

EDIT : Le 1er documentaire parmi les bonus du DVD, "Pure action", nous apprend que le réalisateur Mark Lester a rencontré le producteur Joel Silver à une fête au manoir Playboy. Alors qu'ils étaient tous deux en pyjama, Silver a dit à Lester qu'il serait parfait pour réaliser Commando. Mais il a refusé qu'il lise le script, sinon il ne l'aurait jamais fait.
Jeph Loeb avait écrit la première version du scénario, où le héros était un vétéran ayant renoncé à la violence, mais dont la fille se faisait kidnapper ; le scénario a été réécrit par un tout autre scénariste, pour donner le film qu'on connaît maintenant.