69,année érotique.Paul Coutard,jeune journaliste arrogant et imbu de sa personne,s'attaque à l'entraîneur du Stade de Reims qu'il juge responsable de la descente du club en Deuxième Division.Sanctionné par son patron,l'insolent est chargé d'organiser la kermesse de son quotidien,le Champenois,et a l'idée d'y présenter en attraction vedette un match de foot féminin.Les filles et lui se prenant au jeu,ils vont persévérer après ça et créer le premier club féminin de France et le championnat national qui va avec en dépit des résistances et des embûches de toutes sortes.Pour son premier long-métrage,Julien Hallard est réalisateur,scénariste,adaptateur et dialoguiste mais il s'inspire d'une histoire vraie,comme beaucoup de productions actuelles.Le film est un très joli feel good movie vintage qui nous plonge dans cette époque insouciante sous-tendue par des luttes sociales héritées des agitations gauchistes des années 60.On éprouve paradoxalement un sentiment de liberté face à la description de cette époque dénoncée comme encore obscurantiste.On roule en Simca sans ceinture de sécurité,on regarde des grosses télés noir et blanc,on écoute les matches à la radio,les rues sont sûres et tranquilles,les personnages fument quasiment non-stop,y compris les joueuses quand elles ne sont pas sur le terrain,on descend de l'alcool sans complexe,on s'empoigne à propos de ses chanteurs préférés et on évoque les Beatles,Hallyday,Sylvie Vartan,Françoise Hardy,Ferrat ou Ferré,bref ça ne va pas si mal et on n'est pas harcelé par les dingos de la morale répressive et du principe de précaution.Malgré tout l'auteur entend stigmatiser le patriarcat et le catholicisme encore influents mais qui commençaient à faiblir et il veut faire oeuvre de féminisme en raccordant cette période à la nôtre par le biais d'un sport actuellement en plein essor.Ce qu'il faut saisir est que si la base des évènements est réelle,à peu près tout est faux dans le détail.L'auteur s'est énormément émancipé des faits pour tirer délibérément son récit vers le burlesque.Bonne idée vu que c'est très réussi.Le film est drôle,léger,enlevé,bien rythmé,bien joué,et n'appuie pas trop sur la propagande communautariste.Par conséquent les protagonistes sont sympas,leur combat est incontestablement juste et le spectateur passe un vrai bon moment.Après,question authenticité ça laisse à désirer.Déjà,ça n'a pas été tourné à Reims,ce qui est regrettable,mais à Royan car apparemment la région Poitou-Charente a accepté de mettre du blé dans l'affaire.Sinon Reims n'est pas descendu en D2 en 69 mais en 67,le journal local se nomme en réalité l'Union,Paul Coutard s'appelait Pierre Geoffroy,les noms des joueuses ont été modifiés aussi,Leroux,l'entraîneur du Stade,n'existe pas,étant donné la période il devait s'agir de Jonquet et l'autorisation maritale a été abolie en 65.Les rencontres de foot montrées sont elles aussi inexactes et le retentissement de ces évènements est très exagéré.Je ne parle jamais de moi dans les critiques mais je vais pour une fois m'y autoriser car j'ai vécu ça en direct live.J'habitais Reims en ce temps-là et je m'intéressais beaucoup au foot,je suis allé bien des fois à Auguste Delaune,j'y ai même quelquefois été ramasseur de balles lorsque s'y déroulaient des matches de rugby,et avec les copains on allait voir les entraînements des pros en semaine.En fait tout le monde était fan de foot là-bas,c'était une sorte de religion,il y avait au moins une dizaine de clubs rien que sur la ville,sans compter les environs car tous les villages du coin avaient leur équipe.Du coup c'était la guerre pour être admis dans les formations de jeunes du prestigieux Stade et certains de mes potes faisaient partie des minimes ou cadets de ce qui était toujours un grand club malgré la D2.Certes,ce n'était plus la grande époque des années 50 qui ont forgé la légende des rouge et blanc avec les deux finales de Coupe d'Europe perdues face au Real Madrid,l'ère des Kopa,Piantoni,Fontaine,Jonquet ou Wendling,mais la cité champenoise vivait encore sur ce passé glorieux et les mômes ne pensaient qu'au ballon.Dès que nous étions au moins deux et qu'il y avait une gonfle,on improvisait un match,que ce soit sur un vrai terrain,une pelouse interdite ou un bout de bitume.Cependant je n'ai jamais rien su de cette histoire de création d'équipe féminine.On savait vaguement que c'était en train de se monter mais ça n'a pas atteint le niveau d'enthousiasme ni de réprobation scandalisée que lui attribue le film.Max Boublil est exceptionnel et campe un Coutard hâbleur,frimeur,dragueur et péremptoire qui glisse progressivement vers le sens des responsabilités et l'amour,et Vanessa Guide se révèle nettement plus inspirée que d'habitude dans le rôle de la secrétaire coincée se transformant en footballeuse surdouée.Les filles qui incarnent ces pionnières sont toutes parfaites,notamment Solène Rigot,Carole Franck,Sarah Suco et la splendide Mona Walravens.Beau casting de gueules côté masculin avec Bruno Lochet,Luca Zingaretti,alias "le boucher des Pouilles",Ludovic Berthillot,sosie de David Douillet,Grégory Gatignol,Eric Naggar,Jean-Louis Barcelona et l'humoriste belge Renaud Rutten,très sérieux ici,qu'on a vu dans le spectacle "Les blagues interdites" avec Bigard.