Et quand on veut, on peut !
Que s'est-il passé, mystère ! Un malentendu, une absence de vigilance, un cuite carabinée ? Toujours est-il que Fitzmaurice (ou Gene Markey ?) a réussi l'impossible un beau jour de 1932 : accoler les deux noms les plus inconciliables du monde : Pirandello et Hollywood. Et le résultat est étonnant.
Bon, à tout dire, le film pourrait être un peu meilleur, n'empêche, il est une des dernières pépites cachées au milieu de ce qui allait devenir la Mecque de la bien-pensance par excellence. Un homme qui ne se remet pas de la disparition de sa femme, une aventurière prête à endosser le rôle, et hop, l'air de rien, pendant 1h10 va se développer une chose qu'on ne reverra pas de sitôt sur la côte ouest des Etats-Unis : l'ambiguïté à l'état pur, sans justification, sans morale, et surtout, surtout, sans explication. C'était donc possible !
Evidemment, il fallait aussi, pour porter cette histoire improbable, impossible, les épaules pourtant fragiles et déglinguées de l'actrice la plus délirante de l'histoire mondiale du cinéma. Face au très normal (et déjà bien moche) Melvin Douglas, elle traverse l'espace et le temps comme personne ne saura plus jamais le faire après elle. Elle est là, et le monde s'écroule. Plus rien, ni logique, ni raison, ne peut tenir face à ces mains, face à ce regard, face à cette voix.
On croit comprendre, on croit prévoir, on s'ennuierait presque un peu de temps en temps, et puis vient la scène ultime, véritable bombe dans la routine bien tranquille du cinéma de Papa. La force du film est de garder toute l'acuité du message du dramaturge italien, sans l'affadir ou la rabaisser. Un message qui tient en quelques mots : à chacun sa vérité. Une vision du monde désormais insupportable de l'autre côté de l'Atlantique, on dirait.