Porté par un Vincent Lindon toujours juste et royal dans son rôle-archétype de la défense des opprimés, Comme un fils de Nicolas Boukhrief peine à se hausser sur l’intensité concentrée de l’acteur et à gagner une intériorité et vitalité propice à son sujet.

Il en résulte un film un peu terne, buté, cerné- comme les yeux du jeune garçon( Victor) censé être un Rom que recueille Lindon pour tenter de le sauver d’un déterminisme annoncé, un film sincère et sans effets mais manquant de nerfs ou d’écriture faisant circuler les personnages dans toutes les temporalités.


Comme un fils est un drôle de film même si ce n’est pas un film drôle. A la mise en scène sobre, sans surplus (il eût peut-être fallu aller écrire davantage cet événement qui a provoqué la mise à pied ou la dépression du professeur que joue Lindon), au plus près d’un drame intimiste et morne. Et il est bon aussi que le cinéma puisse être une proposition sans radicalité, ni légère ni grave, plutôt le geste de constat d’un réel abattu et fade.


Film difficile à classer en dépit de sa veine clairement sociale, on sent que ce n’est pas celle-ci qui guide le réalisateur. Plutôt bien sûr l’impuissance des services sociaux d’aide à l’enfance, les enjeux de ce que l’éducation peut ou pas, de ce que pourrait être une relation entre un fils et son père, une paternité d’élection, ce sont donc plutôt ces mouvements intérieurs, sensibles, ténus, peu éloquents qui intéressent Boukhrief, servi par un acteur complètement acquis à ce langage tandis que les autres ne le sont pas forcément.


Le film n’échappe pas aux clichés de certains bons sentiments alors même qu’il furète ailleurs: notamment son incursion dans les camps des Roms manque d’écriture scénaristique en amont ou de vraie caméra documentaire, ce qui affaiblit la tension rentrée du jeu de chacun (intéressante toujours Karole Rocher, palpitante même si le scénario lui donnait plus à défendre) et n’échappe pas à la caricature.


Et puis il y a Vincent Lindon, héros stoïcien, sorte de château fort dressé face aux injustices sociales, parfaitement à l’aise dans le destin de ce personnage qui habite maintenant la plupart de sa filmographie (surtout depuis la trilogie de Stéphane Brizé) majestueux dans la perte et compact dans la résistance à l’adversité. Ce personnage d’homme bien renoncé dirait Valère Novarina, tendu entre le désenchantement et le courage de ne ne pas abdiquer, toujours au bord du rien et cependant ne lâchant pas ses idéaux semble devenir le Rôle absolu de l’acteur Lindon, sa nécessité. Comme naguère Delon et sa vertu samouraï. Et il y a toujours quelque chose de très beau à voir un acteur ne plus jouer et être en symbiose avec sa ligne.


Reste que Boukhrief nous saisit là où on ne l’attend guère: dans les deux scènes de groupe où il quitte l’intime, le tête à tête de l’enfant et du prof, manifestement plus à l’aise dans cette respiration plurielle. Là au cours d’un diner entre ex collègues du personnage de Lindon ou un autre diner avec des nouveaux collègues de son travail éducatif bénévole, Comme un fils s’anime et trouve son pouls, son flux amical, vivant, dense, sincère qu’il n’a eu de cesse de chercher sous d’autres contours. Comme un fil souterrain qui serait la vraie matrice du film, sa leçon secrète pour ne pas mourir du social.


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VioletteVillard1
7

Créée

le 10 mars 2024

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