Comme un père

Les premières minutes sont muettes, le comédien est en mouvement et illumine la salle obscure de son incroyable présence. Le cinéphile s’est déplacé pour voir évoluer l’animal, un vieux lion aux dents usées, à la crinière en bataille, éparpillée aux quatre vents, mammifère fatigué, certes, mais encore capable de rugir très fort, de griffer ou bien de ronronner en distillant de belles caresses avec ses vieilles pattes cabossées. Vincent Lindon se détache de l’écran et vient nous parler à l’oreille, comme un proche que l’on aime retrouver quand on a besoin de chaleur.

Le film est bon, bien sûr, l’acteur sait choisir ses scénarios, mais c’est lui qui donne le ton, c’est lui qui fait le spectacle. Les autres jouent, Lindon bouge et parle en oubliant totalement la caméra qui le scrute. Son personnage est presque toujours le même, un homme torturé mais juste, à l’écoute des autres, coléreux quelquefois, émouvant souvent, qui aime mieux communiquer avec les gestes qu’avec les mots. On va voir un film de Vincent Lindon comme on allait voir un film de Lino Ventura, autrefois, parce qu’on aime ce personnage qui se débat dans un monde qui penche du mauvais côté et qu’il essaie, maladroitement, de redresser en défendant les plus faibles. Un héros du quotidien, en mode discret, que l’on rencontre parfois dans certaines associations, certains syndicats ou plus simplement au coin d’une rue, la main tendue vers un être en difficulté.

Chaque fois que je revois Lindon à l’écran je repense à Titane, ce film sulfureux et perché où il a pris tous les risques, il y était absolument prodigieux, pompier Musclor cul nu et père solitaire, un rôle qui aurait probablement effrayé Ventura et bien d’autres grands comédiens, pas lui car c’était une extension Punk de son personnage habituel.

Vous pouvez aller voir Comme un fils en toute confiance, Vincent Lindon vous prendra par la main. Comme un père.