Au fil de mes chroniques vous avez compris que je déroge souvent à mes principes. Donc, en principe, je fuis comme la peste les films qui relatent les abandons ou les enlèvements d’enfants. Je déroge, bien sûr, quand le film est signé Hirokazu Kore-Eda, le réalisateur du formidable Une Affaire de famille, Palme d’or à Cannes en 2018. Je suis un cinéphile qui sait faire preuve de souplesse en même temps qu’un chroniqueur un brin fainéant, j’écrirai donc dorénavant le nom du réalisateur avec ces trois lettres HKE, ça fait moins de boulot.
Réalisateur japonais, HKE, qui tourne aujourd’hui en Corée du Sud, a compris que l’on pouvait sourire de tout à condition que cela soit tendre. Facile à dire, difficile à faire. La marque de fabrique des films de HKE c’est l’absence totale de méchanceté, de cruauté et de second degré grinçant. Le clin d’oeil est tendre, le rictus est gai, le geste simple. Et tout cela sans aucune mièvrerie, chaque plan est un véritable tour de force face au cynisme ambiant de l’époque. Pour HKE l’homme est bon même quand ses propos et ses actes disent le contraire, il croit dur comme fer à la rédemption de ses personnages les plus contrastés. « Ne jamais se fier aux apparences ni aux discours préfabriqués » pourrait être sa devise.
Malgré mon admiration pour le travail de HKE je dois dire que Les Bonnes étoiles est une petite déception. Pas au niveau du casting qui est irréprochable, les comédien(ne)s, y compris le bébé, ont toutes et tous un charisme ahurissant.
Par contre j’ai un peu coincé sur la construction interne du film. Le réalisateur aborde une multitude de thèmes se rapportant à la maternité, à l’enfance, à la condition de la femme en général : La prostitution, l’avortement, l’abandon, l’adoption ainsi que tous un tas de sujets satellites comme la gestion, plus ou moins honnête, des orphelinats en Corée du Sud. HKE traite tout cela sur le mode mineur, sa patte est légère, certes, mais la barque est un peu trop chargée à mon goût.
Un quart road-movie, un quart film à thèse, un quart thriller, un quart comédie sociale, c’est copieux, voire bourratif, comme le gâteau du même nom. Excusez le jeu de mots mais le spectateur ne retrouve pas toujours ses petits dans ce fouillis où la mise en scène brouille les pistes avec une délectation évidente, à l’image de la fin qui en laissera plus d’un sur sa faim.
Ce bémol posé, il faut rendre hommage au talent de scénariste et de dialoguiste de HKE, chaque phrase prononcée par ses personnages contient une incroyable dose de non-dits, mieux vaut prévenir le spectateur qui sera souvent désarçonné par cette dentelle de mots soigneusement agencés, des mots qui ont presque toujours un sens caché, des mots au service d’une dialectique très asiatique que l’occidental a parfois du mal à saisir. L’art de désigner une chose par une autre triomphe dans Les Bonnes étoiles où ce que l’on voit ne correspond pas toujours à ce que l’on entend. Et inversement. HKE connaît surement cette citation d’Alphonse Allais : " Toutes les fois qu’on a l’occasion de réaliser une métaphore, doit-on hésiter une seul instant ?"
Pour moi la réponse est non. Aucune hésitation. Les Bonnes étoiles ont une intensité moyenne mais éclairent tout de même la salle d’une douce lueur. Celle-ci c’est cadeau.