La tâche m'incombant de choisir un film pour une sortie ciné entre amis, mon regard s'est assez vite tourné sur "Comme un lundi". Terrible choix a posteriori. J'étais vraiment enthousiaste par rapport au concept du film et de part ce que j'en avais lu. Une comédie reprenant le concept de la boucle temporelle de "Un jour sans fin", qui parle de la monotonie du travail, de l'enchaînement incessant des semaines à effectuer des tâches plus semblables entre elles les unes que les autres. Le sujet me touche intimement et le potentiel du film me parait gargantuesque. La chute est d'autant plus dure.
Le film est trop léger. Je m'attendais à un pamphlet sociale, un manifeste s’insurgeant contre le monde du travail et son atmosphère ennuyeuse, lugubre et mortifère, une description du supplice psychologique qu'est le salariat, une réhabilitation contemporaine et nippone du mythe de Sisyphe. D'autant plus au pays du soleil levant, où les horaires de travail sont celles de prisonniers. Mais la comédie prend le dessus. Tout est horriblement consensuel et le parallèle de l'exploitation salariale avec la boucle temporelle se résume à ce concept, le film n'ira jamais plus loin. Loin d'être un manifeste révolutionnaire, le film est presque une insulte à la souffrance sociale des employés de bureau de cette planète.
Parlons de la comédie maintenant. Car si c'est ce sur quoi Takebayashi choisit d'accentuer, ça ne prend pas vraiment. Ou alors peut être que l'humour du film est trop éloigné du mien mais j'ai rarement esquissé un sourire. Et la forme ne fait rien pour arranger. J'ai eu l'impression de regarder une vidéo de Squeezie d'1h20 qui m'a semblé durer bien plus longtemps. Le montage saccadé gêne presque à la compréhension et ne laisse aucun répit au cerveau du spectateur. La musique composée essentiellement de percussion qu'on pourrait retrouver dans une vidéo youtube exalté s'ajoute à la cacophonie du montage. Cela me parait bien loin de ce qu'aurait du effectivement être ces dizaines de semaines passées à réaliser exactement la même chose en boucle.
Car si le film n'est pas une bonne comédie ni un bon film social à mes yeux, ce n'est pas non plus un bon film de boucle temporelle. Le personnage principal ne découvre pas par elle même la boucle, c'est deux collègues nerd qui la lui expliquent (et nous avec). Le film échoue donc lamentablement à un des principes les plus importants selon moi d'un bon film, le "show don't tell". Les éléments remarquables de la boucles s'enchainent à coup de cuts fulgurants. Le film ne laisse pas assez de temps au spectateur pour comprendre, il lui régurgite les informations en perfusion du cerveau tel une mère moineau nourrit ses oisillons. C'est une expérience assez déplaisante. La folie, thème inhérent de la boucle temporelle, est très peu abordée, excepté hâtivement pour le personnage de la concierge, véritable bas fond de l'échelle de l'entreprise, sur lequel on n'appuie pas assez selon moi, mais qui est un des rares bons points du film. Premier personnage à découvrir l'existence de la boucle, elle essaie d'en faire part à ses collègues mais personne ne l'a écouté. C'est elle qui a le plus souffert.
Le film finit heureusement lorsque tout le monde reprend la place sociale qui lui a été attitrée après avoir fait plaisir à l'horrible boss en ayant réalisé son ambition personnelle (écrire un manga) alors même qu'il est la cause de la boucle et donc de tous les tourments. Une fin heureuse dans le meilleur des mondes où chacun s'est enfin sorti de la boucle temporelle et pourra continuer à venir au bureau chaque lundi comme c'est le cas depuis des dizaines d'années. "Comme un lundi" est un film de droite, un film profondément bête.