Ce n’est pas un mauvais film en soi – loin de là –, mais il souffre de ce que j’appellerais un « trop-plein ». Il y a beaucoup d’idées qui se recoupent, se repassent les unes sur les autres, et cela provoque selon moi une lourdeur qui, si elle densifie le récit, n’en demeure pas moins pénible et éreintante au visionnage.


À ce titre, les vingt dernières minutes sont exemplaires : l’action se rétracte jusqu’à ne plus pouvoir tenir en place, jusqu’à ce que « l’explosion » tant attendue se produise, mais d’une manière décevante, car prévisible et somme toute convenue, marquée au passage par un référentiel théâtral intrusif.


Il y a en outre dans ce film une « violence » malsaine que je ne saurais expliquer concrètement, mais qui m’a passablement dérangé (le verre jeté au visage de la femme dans le bar, le rôle ambigu de la grand-mère, qui se dédouane de sa responsabilité à propos des enfants de l’héroïne, etc.). Il se dégage de cela une sorte de mesquinerie, une lâcheté, assumée, mais à laquelle je pensais ce réalisateur complètement étranger, puisqu’elle n’apporte pas grand-chose hormis du dégoût à peu de frais, un dégoût incongru.


Il y a d’autres « symptômes » de ce trop-plein : la musique, qui passe souvent en fond des dialogues (je déteste ça, parce que ça me coupe littéralement des personnages) ; les personnages justement, qui sont trop nombreux et pas assez développés (les enfants, le jeune amoureux de Miho (Hideko Takamine), les amies de cette dernière…) ; les retours en arrière, qui, fait rare chez Naruse, sont montrés directement, au lieu d’être seulement évoqués au détour d’un récit rapporté : on perd donc en clarté, en simplicité dans le récit.


Comme une épouse et comme une femme est en fait, je pense, un film intellectuel de Naruse. Il joue et se fonde sur des interprétations, que son titre (français) soulève d’ailleurs a posteriori. Mais du coup il perd pas mal de ce qui fait l’essence de son cinéma, à savoir la complexité qui ne naît pas d’une réflexion mais d’une action, d’un rapport personnel, existentialiste, au monde et aux humains. Ici c’est totalement l’inverse (le père ne cesse d’invoquer son « destin » pour éviter de prendre une décision), ce qui rend la narration mécanique.


Pour finir, je suis un peu déçu de la performance de Takamine dans ce film, souvent forcée, de même que celle de Chikage Awashima, radieuse dans Nuages d'été mais ici convenue. Peut-être est-ce le manque de gros plans (ils arrivent, mais sur la fin) qui rend leur jeu moins subtil. Globalement ça reste un film correct, mais dont la tendance à s'éparpiller pourra rebuter : à réserver aux fans purs et durs de Naruse.

grantofficer
6
Écrit par

Créée

le 3 juil. 2022

Critique lue 35 fois

grantofficer

Écrit par

Critique lue 35 fois

D'autres avis sur Comme une épouse et comme une femme

Comme une épouse et comme une femme
Morrinson
7

Jalousie, résignation et sacrifice

Difficile de trouver plus sensible et percutant que Mikio Naruse pour décrire la condition féminine dans le Japon du milieu du XXe siècle. Diptyque intéressant formé par Comme une épouse et comme une...

le 18 avr. 2022

2 j'aime

Comme une épouse et comme une femme
Limguela_Raume
9

Comme une saveur de goût amer

Tragédie moderne et toute puissance du père : le tableau cruel d'une maîtresse condamnée à voir élevés ses enfants par une autre. Légitimité oblige.Voilà sans doute le film le plus mélodramatique de...

le 20 oct. 2023

1 j'aime

Du même critique

Stranger
grantofficer
9

L'arbre qui cache la forêt (critique saisons 1 & 2)

Critique de la saison 1 Stranger, de son nom original coréen Secret Forest, nous plonge dans une affaire criminelle atypique dont a la charge un procureur génial qui, à la suite d'une opération du...

le 16 mars 2020

23 j'aime

11

My Mister
grantofficer
9

Un homme d'exception

Je ne vais pas y aller par quatre chemins : My Mister est l'une des plus belles séries que j'ai pu voir récemment. L'histoire de la série tourne autour des deux personnages de Park Dong-Hun,...

le 29 mai 2020

22 j'aime

15

My Name
grantofficer
6

The Girl From Nowhere

Un an après le très surprenant Extracurricular, Kim Jin-min rempile avec un nouveau drama produit par et pour Netflix. Cette fois le bonhomme s’inspire de l’univers des gangs et des stups pour...

le 16 oct. 2021

21 j'aime

1