[Qu'on me permette d'emprunter mon titre au désopilant livre de Denis Grozdanovitch, tant celui-ci me semble à propos pour parler de ce film]
C'est qu'ils font "presque" quelque chose, Orel et Gringe : entre deux sessions canapé, stations debout à l'arrêt de bus en vue d'un énième périple au centre commercial, Ice-tea réchauffé au micro-ondes et échanges de sextos, ces deux losers magnifiques essaient de renouer avec l'inspiration de leurs jeunes années de rappeurs pleins d'avenir.
Problème : leur talent est caché sous une énorme couche de flemme, baobab dans la main et tout ce qu'on voudra. Ils semblent tous deux avoir érigé en art celui de la procrastination - mais n'en sommes-nous pas tous là, remettant régulièrement à demain (ou au plus tard possible) ce qui peut/ doit être fait sur l'instant ? Je me suis, en ce qui me concerne, régulièrement retrouvée dans leurs travers, ou dans leurs doutes quant à leur réussite...
(Relativement) néophyte en matière de rap, totalement étrangère au flow des Casseurs Flowteurs ainsi qu'à la série Bloqués, j'arrivais dans ce film circonspecte bien qu'enthousiasmée par les différents échos glanés ça et là à son sujet. Et la surprise fut au rendez-vous : dès les premières minutes, irrépressible, le rire éclate. Le duo de potes nous offre un buddy movie décontracté et irrésistiblement décalé, dont ne sont pas absentes une certaine mélancolie, une certaine résignation.
J'ai aimé la nonchalance cool, la désinvolture flegmatique de ces deux gars, pas stressés pour un sou qui, quelque part, font confiance à leur chance en se disant que la roue finira bien par tourner - une forme de sagesse, si on y réfléchit. Les passages musicaux sont terriblement efficaces, punchy, comiques, les instrus sont folles et donnent envie de bouger - mention spéciale à la chanson finale, totalement réjouissante.
En les voyant s'envoyer des vannes au kilomètre, j'ai pensé à Eric et Ramzy et au Palmashow (notamment, aussi, dans le rythme de certaines chansons, qui m'ont évoqué les créations musicales de Grégoire Ludig et David Marsais).
Avec son humour moderne, percutant, bien dans sa génération (qui démarre à la lecture de son titre), Comment c'est loin a la trempe et le potentiel d'un film culte - une sorte de Big Lebowski à la française. (et en plus drôle)
Personnellement, j'en redemande.