Compartiment numéro six du finlandais Juho Kuosmanen (pas certain de l'orthographe, il ne m'en voudra pas), un des plus beaux films de l'année dernière. Grand Prix à Cannes si ma mémoire est bonne, grande Palme D'or du cœur pour moi tant il recèle de mélancolie et de beauté.
Et puis, hasard de l'actualité, il s'inscrit dans une
contemporaneite très intéressante puisqu'il associe avec une réelle délicatesse deux cultures historiquement liées par des racines et une dialectique semblable, à savoir une finlandaise plutôt aisée voyageant à travers les plaines siberiennes enneigées et un russe qu'on pourrait penser assez proche du gouvernement Poutine au vu de son apparence autant physique que intellectuel. Cela se passe dans un train qui pourrait s'analyser à une métaphore des frontières qui sépare des peuples voisins ne sachant plus comment se rassembler, et tout l'enjeu principal du film est alors de déjouer les stéréotypes et la narration balisée attendue dans ce genre de récit initiatique.
Ce qui est formidable ici c'est la manière qu'a le cinéaste de fusionner des styles sans que jamais cela ne soit redondant. Il ya de la romance dans l'air, avec un hommage discret mais assez taquin au Titanic de Cameron. De l'aventure au sens ou ces personnages cheminent vers une destinée incertaine dont on pense comprendre la finalité, pour mieux bifurquer sur d'autres pistes plus ou moins surprenantes. Du drame puisque ces deux personnages sont animés par des blessures intimes qu'on devine profondes, sans savoir exactement de quoi il en retourne puisque le scénario est volontairement eliptique concernant les tenants et aboutissants de cette épopée. De la comédie également, car la tristesse ambiante réserve quelques situations tragi-comiques très alertes, des séquences de pure respiration pour aérer l'éventuelle lourdeur qui pourrait se dégager d'une telle emprise. Inscrits au sein du projet, ces genres se répondent avec facilité et fluidité pour souligner a quel point rien n'est jamais figé si l'on réussit à retirer ses œillères pour s'ouvrir à cet autre qui nous semble si étranger.
La mise en scène épouse parfaitement les alternoiements puisqu'elle fixe des cadres à géométrie variable selon l'intensité de ce qui se joue dans la relation. Plans serrés quand il s'agit de scruter les corps et les visages qui doutent ou se defient dans l'espace exiguë de leur cabine, qui s'elargissent alors lorsque ces deux errants prennent un nouvel élan pour se rapprocher a pas feutrés. L'incarnation extrêmement physique des deux comédiens joue un rôle essentiel dans le découpage de l'espace, ainsi que dans le montage dynamique qui donne un aspect presque burlesque par moment. Ils sont absolument essentiels dans la réussite du long métrage, tant l'alchimie est évidente, et nul doute que sans eux nous ne serions pas autant enjoués par le résultat final