Film d’un auteur finlandais dont je n’avais jamais entendu parlé et dont je n’ai pas vu le premier long métrage. Un synopsis de film tenant en une seule ligne. Le tout dans des décors enneigés avec un rythme assez lent. De fait, un film ennuyant ? Non ! Tout le contraire. Incontestablement le meilleur film de cette année pour le moment (j’ai déjà dit cela précédemment mais il ne reste plus beaucoup de temps avant fin 2021 et celui là sera difficile à déloger). Venez en voyage avec moi direction Mourmansk.

Un film sur l’oubli, voilà ce que peut être l’un des axes d’analyse de Compartiment numéro 6. L’oubli de la vie d’avant. L’oubli du précédant amour. L’oubli de la ville et de la civilisation. Mais cet oubli s’accompagne forcément d’un retour. Le retour à la nature, à l’amour suivant et surtout le retour à soi. Car pour moi c’est surtout ça que raconte ce film : la vie. Tout simplement. Un film sur la fureur de vivre à travers une traversée initiatique. Pour certains il ne se passera rien durant 1h40, ou si peu de chose. D’autres s’ennuieront peut-être. Mais ceux qui, comme moi, partiront en voyage avec Laura et Ljoha en ressortiront complément bouleversés.

C’est la vie qui se déroule devant nos yeux : les amours, les déceptions, les joies, les douleurs, les épreuves, les bonheurs et tout le reste. On vie tout cela avec Laura et on apprend à connaître les autres à travers elle, on ressent réellement tout ce qu’elle ressent et on a l’impression d’être dans sa tête, de penser comme elle sans qu’aucun mot n’est été prononcé. Cela est rendu possible grâce à des acteurs exceptionnels au premier rang desquels Youriy Borisov (Ljoha) et Seidi Haarla (Laura). Cette dernière est exceptionnelle notamment dans ce que l’on pourrait appeler le petit jeu (et je ne parle pas de golf), c’est-à-dire dans le travail du faciès et des émotions qu’elle arrive à transmettre. Sans parler elle nous transmet un flot d’émotions tellement intense que l’on ressent absolument tout ce qu’elle ressent. Elle est enragée de douceur.

Comment ne pas parler aussi des seconds rôles, tous excellents, au premier rang desquels on retrouve Lidia Kostina en mamie qui accueille les deux voyageurs et dont les traits d’esprits feront date dans l’esprit de Laura (l’un d’eux donne notamment le titre de cette critique). Le travail des acteurs va au-delà du simple jeu et s’insinue jusque dans la diction des personnages qui parlent avec tel ou tel accent (et cela s’entend même si comme moi l’on ne comprend rien au russe). Cela va même au-delà, avec le personnage de Laura qui, étant finlandaise et n’ayant donc pas le russe pour langue maternelle, marque parfois un petit temps de pause avant de répondre comme pour réfléchir à comment dire les choses dans une langue qu’elle ne maîtrise pas totalement. Ce travail sur le phrasé est à mettre au crédit du réalisateur Juho Kuosmanen comme il l’explique très bien lui-même dans une interview à retrouver dans le dernier numéro de la revue positif (novembre 2021).

Il est absolument incroyable d’arriver à faire un film une si pire simplicité scénaristique en visant aussi juste. On ressort de la salle en ayant vécu le voyage et en la sensation qu’il a duré des mois, des années, presque toute une vie alors qu’il ne s’est même pas passé deux heures. On ressent cela aussi car la Laura qui a quitté Moscou n’est pas la même que celle qui regarde les pétroglyphes de Mourmansk. Comme nous vivons tout et ressentons tout avec elle nous ne sommes plus les mêmes non plus.

Alors au bout du voyage initiatique que reste-t-il ? Un film sur la vie qui ne tire jamais sur le larmoyant (cela est aussi extrêmement appréciable) tout en arrivant à toucher profondément le spectateur. J’ai été touché, submergé d’émotions comme rarement au cinéma. Cela vient peut-être aussi du fait de la proximité mélancolique que j’ai ressenti avec elle durant toute la durée du film. Mais malgré tout, comme elle, on ressort heureux et non pas triste ou mélancolique à la fin du film, car la vie qu’est-ce d’autre que de l’amour et de la joie ? Tout peut finir dans un sourire.

thecinemad
10
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le 28 nov. 2021

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thecinemad

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