Présences en force
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le 2 juin 2022
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Alors qu'en cette année 2022 Javier Bardem crève l'écran dans El Buen Patron, son épouse n'est pas en reste dans Compétition Officielle. Réalisatrice perchée (me rapellant beaucoup Julianne Moore dans The Big Lebowski) épaulée par Antonio Banderas et Oscar Martinez (et une perruque fantastique) au cabotinage extra, ce trio caricatural filmé à merveille par Gaston Duprat et Mariano Cohn nous livre une comédie grinçante et cynique à souhait.
Le genre de la comédie est un à mon sens un des plus complexe à réaliser et à jouer. Beaucoup de l'effet comique passe par la mise en situation et le jeu d'acteur. Et bien souvent ces derniers ont tendance à tomber dans un cabotinage gras et extrême. Des fois ça marche, mais bien souvent non. Et là, l'idée brillante c'est justement que c'est en grande partie le ressort comique du film. Les deux cuistres vont être confrontés à leurs propres défauts de jeu. Et c'est tordant. Voir Banderas devoir jouer l'ivresse à partir d'une échelle de 1 à 10, tantôt à 3 ou tantôt à 6,5, ou voir le personnage de Martinez pensant avoir le talent d'une diva devoir jouer avec le minimum d'intensité (gros pieds de nez aux acteurs faisant la course aux Oscars), c'est tordant.
Finalement le film passe son temps à descendre l'égo de chaque comédien en montrant qu'ils sont finalement exactement les mêmes. Les acteurs restent pourtant aveugles à cette évidence mais se rejoignent dans leur incompréhension. Et c'est paradoxalement peut-être le seul point sur lequel les acteurs se comprennent.
Je trouve ça excellent de prendre à contre-pied le plus gros défaut des comédies. Mais le film va plus loin que la simple comédie. Félix (Antonio Banderas) peut camper une caricature d'un Leonardo Di Caprio ou Robert Downey Jr. tandis qu'Ivan (Oscar Martinez) est plus celle d'un Fabrice Luchini ou d'un Guillaume Gallienne.
On touche avec ce film à l'un des pire travers actuel : le mépris de classe.
D'un côté Ivan, l'acteur ne voulant que jouer dans des projets où il pourra montrer son talent pudique, se pensant éthique et proche du peuple mais appartenant en réalité bien à une classe très bourgeoise. De l'autre Félix, celui qui joue dans les grosses productions pour divertir la foule et qui à l'inverse, se pense au dessus de tout le monde mais qui en tant qu'humain, n'est qu'un insignifiant puit de vacuité. Au milieu, Lola Cuevas (Penélope Cruz), à la vision contemporaine, subit elle, le mépris de tous, n'étant ni traditionnelle, ni conformiste. Elle voit pourtant le potentiel des deux partis, les mettant perpétuellement en confrontation pour mieux les réunir. Mais rien n'y fait, le mépris pour l'autre est trop fort.
Et on observe très bien ça dans la vie. Le camp des gens allant voir des blockbusters et des comédies grand publique méprisant ces bourgeois pédants qui regardent Godard et vont voir Dumont, et le camp de ceux qui vont aux théâtre ou à l'opéra méprisant celui qui regarde les films de Nolan et Scorcese. Et inversement. Pas de place pour tout, quelque soit votre rang, vous êtes forcés d'appartenir à un camp, comme l'est finalement contrainte Lola Cuevas.
Le pire c'est que personne n'est foncièrement méchant, tout le monde est touchant, mais borné. C'est un simple effet puéril qui conduit à un désastre. Et cette escalade de mépris mène à l'inévitable fin du film. Et pourtant, tout mépris de classe qu'il y ait, encore une fois comme dans le film, il fonctionne dans une même classe sociale : ceux qui ont le loisir d'aller se divertir au cinéma, pensant être seuls au monde. Ainsi, la fin n'en est pas une, la machine continue sa course folle écrasant les fourmis au détriment de quelques engrenages déraillant par-ci par-là.
Maintenant je vous laisse le soin de transposer ce mépris dans le cinéma sur notre société en général, et visualiser les dégâts dont il est la cause.
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Créée
le 19 août 2022
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