Au moins le nom de Crom n'a pas été souillé
Une épreuve digne d'Héraklès ; voilà le défis qui s'impose à moi au moment de laisser quelques mots sur ce film. Héraklès ? Pourquoi, ce film ne serait pas digne de Conan mais plus proche de Xéna ? Ne serait-il qu'une pâle copie du vrai, seul et unique film de Milius ?
Oui, ce film n'arrive pas à la cheville de son prédécesseur porté par la sic génialissime de Poledouris. Il suffit d'écouter la bande-son catastrophique, et je pèse mes mots, de pester contre la réalisation faiblarde, ces ralentis dignes d'une pub pour tifs à la JL David. La violence est souvent gratuite, il n'y a pas de charme, pas plus que de souffle épique. Stephen Lang est d'une caricature méchantoïde absolue - en même temps il sort d'Avatar, faut pas non plus lui demander la lune - au regard de son illustre ancêtre James Earl Jones beaucoup plus ambigue.
Donc il est possible de se demander quelle mouche m'a piqué avec cette note atteignant la moyenne. La réponse est plurielle : Conan, avant d'être un film de Milius portant Schawarzy au firmement du panthéon de nombreux geek dont je fais partie, fut une oeuvre de pulp. Howard, pour vivre, devait souvent, très souvent même, livrer des nouvelles basiques, avec une belle donzelle dénudée que Conan venait délivrer. Des histoires creuses au possible, caricaturales, faibles : il suffit de lire par exemple Le dieu dans le sarcophage ou La fille du géant de gel. Weird Tales, pour qui il bossait et tentait de vendre ses histoires, avait des impératifs de vente, il fallait répondre aux attentes d'un public populaire qui voulait se sortir la tête du trou dans ces années 30 pleines de crise et de folie à venir. Donc oui, ce film n'est pas une insulte à l'oeuvre d'Howard. Il est même dans la droite ligne d'une oeuvre qui a alterné le sublime et le pitoyable. Conan est un héros populaire, une oeuvre de pulp, il faut aussi savoir l'admettre.
Au rayon satisfaction, également, la première séquence consacrée à la naissance. On est bien dans le tempo howardien. On a même du Conan flibustier ce qui colle avec l'original littéraire ! Je dois le dire, retrouver Conan comme pirate m'a presque arraché une larme en repanssant à la superbe nouvelle La Reine de La Côte Noire ...
L'acteur Jason Momoa campe un Conan physiquement crédible, à défaut de lui apporter quelque chose d'autre. Ron Perlman avait besoin de manger, il a été servi par un rôle taillé dans le roc. Rachel Nichols est une très belle et convaincante potiche et apporte une contribution gratuite sympathique : un Conan sans poitrine féminine offerte à la foule ne saurait être qualifié de Conan. Quant à la réalisation artistique, franchement, c'est beau. Oui, c'est vrai, ces décors sur fond vert sont lisses là ou Milius offrait de grands espaces ; mais je ne vais pas pousser le bouchon trop loin ; ces décors sont sincèrement sympas.
Donc ce film, très basique, manquant cruellement de souffle épique, d'âme, n'est pas un navet absolu même s'il n'en est jamais très loin. Il est le digne héritier de Conan le destructeur, en moins ridicule par moment. Un bon moyen de poser son cerveau, de voyager un peu après une bonne journée de travail.
Un vrai pulp, un plaisir coupable si vous voulez, ce qui n'est déjà pas si mal. Pour avoir été au niveau des moments les plus faibles d'Howard, et il y en a eu pas mal, pour avoir eu l'idée géniale d'épargner Crom de ces dialogues vides, cette purge cinématographique mérite une moyenne exagérée mais assumée. 2 ou 3 eurent été plus logiques. Mais, parfois, la logique ... je l'envoie pêtre.