Il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Il n’aura fallu même pas deux ans pour qu’Arnold Schwarzenegger revienne gonfler ses muscles (toujours plus gros) et mouliner de la lame dans le slip poilu et bien ajusté de Conan.
Mais si le premier, dirigé par John Millius, était une fantastique ode à la force virile, d’une beauté brute, la direction prise par Richard Fleischer et les producteurs adoucit les contours, pour offrir une aventure plus consensuelle. Conan utilise toujours sa force, quelques têtes et giclures de sang rappellent que le barbare n’est pas là pour tricoter. Mais le problème vient plutôt d’idées assez malvenues, parfois faciles, qui manquent de sel.
Dans le premier, Conan, malgré des épreuves difficiles les surmontait grâce à sa détermination, la conviction d’avoir un rôle prestigieux à jouer, et le soutien de quelques alliés, afin de défaire Thulsa Doom, sorcier et gourou de secte sans pitié. Le prix à payer fut amer, celui de la vie de Valeria, sa compagne d’infortune.
Apparemment, cette perte fait toujours bobo au petit coeur de Conan, qui décide de s’embarquer dans une histoire hasardeuse pour accompagner une jeune princesse vierge et ingénue, Jehnna, afin de récupérer un cristal, puis une corne d’un ancien Dieu mais tout cela n’est qu’une embuscade. Et cette quête qui lui est confiée par la peu honnête reine Taramis Conan l’accepte pour que Valeria revienne des morts.
Plus d’étreintes passionnées comme dans le premier, Conan se découvre une chasteté nouvelle et une fidélité par delà la mort, qui cadre assez difficilement avec le personnage. La princesse Jehnna semble d’ailleurs assez intéressée par ce barbare tout de muscles mais l’ambiguïté s’arrêtera là, dommage, Conan ne lui apprendra pas les secrets de la vie.
Le film s’orientant dans un genre plus familial, toutes proportions barbaresques gardées, le sexe en est banni, tant pis. Mais c’est encore plus difficile de constater que ce Destructeur insuffle à son aventure un humour récurrent, qui surprend. Conan ne partant pas seul, entouré de quelques proches ou de ceux qui lui ont été confiés par la reine, tous ont droit à au moins une petite plaisanterie à sortir. Malak, voleur courageux mais pas trop, se garde la part du lion, avec son humour « si j’aurais su j’aurais pas venu ». Mais même Conan, ce bloc minéral, est employé à quelques fins humoristiques, dont la plus navrante sera cette scène où il aura tellement bu qu’il sera trop beurré (les enfants, c’est pas bien de boire).
Conan, cet ancien bloc minéral et silencieux, a désormais des lignes de dialogue, commentant un peu tout, échangeant des dialogues avec tout le monde, ne cachant rien de l’accent autrichien d’Arnold en version originale (en VF c’est bien sur Richard Darbois à la barre). Le personnage mutique et distant de tous perd ainsi de sa force, de sa singularité, pour ne devenir qu’un membre de plus d’une équipe enrôlée dans une quête de Sword & Sorcery.
Ces défauts soulignés, il ne faudrait pas non plus cracher plus que de raison sur ce Conan destructeur. Son histoire n’est pas bien originale, avec ses artefacts magiques, sa princesse vierge et ses traîtres dans les rangs, mais elle se révèle malgré tout bien menée, assez entraînante. Les scénaristes Gerry Conway et Roy Thomas, à l’oeuvre sur les adaptations en bandes dessinées Marvel de Conan, pas des plus mielleuses, se sont chargées de l’histoire principale, malheureusement remaniée plusieurs fois avant que le coup de grâce ne soit porté par Stanley Mann. Leur histoire plus sombre a d’ailleurs été adaptée en bande dessinée. Le choix des producteurs a été une aventure plus simple et plus classique, malgré tout réussie.
Elle se veut impressionnante, parfois épique, et elle y arrive parfois, notamment avec ses beaux décors grandiloquents, ses architectures d’un autre monde, ses beaux paysages naturels. Basil Poledouris se retrouve une nouvelle fois à la composition musicale, et c’est une nouvelle fois un plaisir. Les costumes ont de l’allure, entre peaux de bêtes et poils, renforçant cette illusion de se retrouver à un âge antérieur où la force brute et la magie sont les piliers de cette ère. Les affrontements à l’épée ont de l’impact, de la force. Arnold Schwarzenneger révèle une nouvelle fois son charisme le glaive lourd en main, mais aussi en action, comme d’autres de ses camarades. Mais le film a aussi avec la main un peu plus lourde sur les effets spéciaux, se révélant parfois maladroit, voire kitsch, assurément risible.
Dans le domaine du barbare viril en slip, où la copie est souvent pathétique, ce deuxième Conan peut se vanter d’un peu de budget et de quelques bons points. Cette nouvelle aventure de Conan s’apprécie, elle a pour elle de sérieux arguments, mais c’est aussi au prix d’une direction plus familiale, moins brute, moins personnelle.