Un film de deux heures sur l'élection d'un pape sans une seule seconde d'ennui ? Pari tenu, et je n'y croyais pas ! Conclave tient en haleine du début à la fin. Il ne tourne d'ailleurs pas autour du pot : on apprend la mort du pape dans la première minute du film, et donc un conclave pour élire le nouveau pape doit avoir lieu. L'intrigue suit alors le parcours du doyen, proche de l'ancien pape, qui est chargé d'organiser le conclave, de l'introduire et de le mener à bien.
Le film a plusieurs cordes à son arc. Le suspense déjà, avec plusieurs intrigues concernant les cardinaux favoris au trône papal, entre coups bas, messes basses, rapports secrets, voyages suspicieux. Suspense réhaussé par l'ambiance générale du film, avec une esthétique alternant entre le très sombre et le très rouge, et une musique de fond toujours grave voire pesante. Les favoris iront alors d'espoirs en déconvenues, de l'ambition à la renonciation, de l'amitié à la rivalité. Qui aurait cru que les cardinaux étaient des humains comme les autres ? L'autre force du film est sa taille humaine. Du suspense et des intrigues, oui, mais rien de grandiloquent. Pas de crimes sexuels, pas de vastes complots, pas de gros retournements de situation. Ce sont juste des humains qui rivalisent, certes de façon tout à fait mesquine et parfois illégale, pour devenir pape. D'ailleurs, l'équilibre du suspense égale la subtilité des caractères. Entre le cardinal qui feint n'avoir aucune ambition mais entre dans une colère noire quand la perspective du trône s'éloigne, et celui qui pleure en priant lorsque le titre pourtant si près lui échappe pour une petite faute 30 ans plus tôt, ou encore celui qui a bien la possibilité de devenir pape en tête tout en ne le désirant sincèrement pas, l'histoire nous plonge dans une diversité de psychés tout à fait humaines, saupoudrées d'un peu de foi - et de beaucoup de doutes. Pour couronner le tout, la performance de Ralph Fiennes (The Grand Budapest Hotel) en doyen tourmenté est magistrale, et il porte une bonne part du film à lui seul.
Quelques petites ombres au tableau, tout de même. L'affrontement bien réel au sein de l'Eglise entre progressistes et conservateurs, pour faire vite, sous-tend l'intrigue, mais elle reste caricaturale. Les discours de référence de ces deux visions à la fin du film n'ont ni la qualité intellectuelle ni l'intensité dramatique du reste de l'histoire. Quant à l'ultime coup de théâtre, il n'était franchement pas nécessaire et tombe comme un cheveu sur la soupe. Mais rien de quoi gâcher le plaisir devant ce thriller ecclésiastique surprenant !