Film étonnement terne au sein des productions lyriques voire opératiques du Preminger de l'époque, que ce soit en décors naturels (Rivière sans retour, Bonjour tristesse, Carmen Jones) ou en studio (Sainte Jeanne ou L'homme au bras d'or). Le film s'offre un début très sobre sur une base militaire, où les aviateurs menés par Gary Cooper tentent de couler un sous-marin allemand au cours d'essais devant décider de l'attribution de financements. Mais aussitôt ce sont les ressorts burocratiques et administratifs qui intéressent Preminger : montrer que Mitchell n'a pas d'autre choix que de désobéir (en larguant des bombes plus grosses et en volant moins haut). Il est puni par sa hiérarchie et envoyé au Texas. De là il apprend la mort de ses camarades (pour cause de vétusté des engins) et décide d'organiser une conférence de presse qui l'enverra en cour martiale. C'est tactique : grâce à son procès, Mitchell pourra alerter l'opinion. Cooper se met en retrait pour laisser l'avocat, Ralph Bellamy démêler une complication juridique : comment imposer à un jury militaire totalement hostile (pas un membre de l'aviation) de plaider le fonds de l'affaire (Mitchell a raison, convoquons les témoins qui le prouveront) plutôt que la forme (c'est bien Mitchell qui est l'auteur des propos injurieux parus dans la presse, il est donc coupable, point barre).
Il y a un ou deux moments gênants (Mitchell visionnaire décrit l'attaque de Pearl Harbour 18 ans avant !) et d'une façon générale cette défense belliciste de l'industrie de l'armement a pris du plomb dans l'aile. Néanmoins le film a une vraie tenue, entièrement dévolu à sa rhétorique. Preminger ne lâche jamais la partie "technique" de l'affaire. Pas de psychologie, pas d'autre spectacle que celui de la parole. Davantage encore que dans Autopsie d'un meurtre (qui louvoie avec les contraintes en escamotant les plaidoiries finales), on se prend de front les joutes oratoires et rapports de forces : c'est l'exercice de la démocratie telle que la célèbre Preminger avec un fonds d'idéalisme que tempère son réalisme. Découpage classique, sans les séductions coutumières, sans ces plans hypnotiques refermés sur eux-mêmes comme des mondes autonomes, capsules temporelles envoûtantes qui font la signature habituelle de Preminger. Ici, même le récit trace sa route en ligne droite : Mitchell n'a aucune chance de gagner, et d'ailleurs il ne gagnera pas. Le verdict tombe, Cooper s'en va, point. L'important c'était de faire l'épreuve de la démocratie. Une sécheresse étonnante pour un film hollywoodien, austère et épuré.