J’avoue que je n’ai pas tapé souvent le nom de Pascal Thomas dans mes critiques. Et pour cause, le seul film que j’avais vu jusqu’ici de ce réalisateur était Mon petit doigt m’a dit…, adaptation nulle d’un roman d’Agatha Christie (et Dieu sait pourtant que je kiffe cette auteure !). Celle-ci m’a franchement ennuyé à mourir par son humour datant de la Préhistoire, son intrigue inutilement confuse et son rythme digne d’un escargot coincé dans un embouteillage de tortues. Bref, ce n’était pas un encouragement à me lancer dans une autre œuvre du Monsieur. Comme quoi, il ne faut jamais faire la connerie de ne se baser que sur un seul représentant d’une filmographie entière. Mais, je vais revenir à ce mea-culpa plus tard…


En fait, si je me suis lancé dans la vision de Confidences pour confidences, c’est à cause de l’admiration que je porte à Georges Bernanos, redoutable prophète, esprit farouchement indépendant, autant attaché aux honneurs qu’à un slip usagé. Et là, vous allez me demander certainement qu’est-ce que l’auteur atrabilaire et sarcastique de Sous le soleil de Satan a à foutre avec une chronique douce-amère sur la France des années 1950 et 1960 ? Ben, il y a Anne Caudry en tête de la distribution. Et cette dernière était la petite-fille de cet écrivain (oui, ma pensée est passée sans explication du grand-père à sa descendante !). J’étais curieux de voir ce que celle-ci pouvait donner dans un rôle principal.


Je n’avais croisé cette dernière qu’en Marianne dans l’ennuyeux et terne L’Avare avec Louis de Funès (rien à voir avec la qualité de la pièce de Molière qui est géniale !). Difficile de se distinguer quand on côtoie la tornade de Funès, aussi usé par une santé cardiaque fragile qu’il était à cette époque. Bon, assez digressé (bordel, presque trois paragraphes complets de digression !), à propos de l’interprétation d’Anne Caudry dans Confidences pour confidences, c’est un sentiment de frustration qui règne.


Non pas parce qu’elle n’est pas bonne dans ce film (son premier en plus !), mais, au contraire, parce qu’elle l’est. Elle était jolie, elle était fraîche et, surtout, elle était charismatique ainsi que talentueuse. Elle montrait ici qu’elle avait tout pour devenir une vedette de premier plan. Elle a plongé dans la drogue. Elle a réussi à s’en sortir. Malheureusement, à cause de sa toxicomanie, elle a attrapé le sida. Elle est décédée à 34 ans. Quel gâchis !


Pour en revenir à Pascal Thomas, outre la mauvaise expérience citée précédemment, la lecture de titres comme Pleure pas la bouche pleine ou Le Chaud Lapin (oui, j’ai jugé uniquement sur des titres parce que je ne suis pas immunisé contre la connerie !) me donnait l’idée d’un cinéaste superficiel et sans la moindre ambition… put… qu’est-ce que j’ai été con…


Je n’étais pas prêt pour une chronique douce-amère, intelligente et touchante sur la vie de trois sœurs d’un milieu familial modeste (narrée mélancoliquement par la cadette, incarnée par Anne Caudry justement !) sur fond d’évolution sociétale, donnant un portrait en filigrane de ce que c’était la condition de la femme (y compris à travers un sujet grave comme le non-accès à l’avortement !) lors de la décennie ayant connu le premier homme sur la Lune. Tout ceci, subtilement, l’air de rien, sans chercher à sortir les stabilos. On a une sœur aînée qui va se marier, fonder une famille… et être heureuse (oui, il est bon de rappeler que ce n'est pas forcément synonyme d’oppression pour tout le monde !). La suivante va suivre le même schéma sociétal… et en être malheureuse jusqu’à la folie (oui, il est bon de rappeler que tout le monde n’est pas fait pour cela !). Et la petite dernière va traîner son existence, sans savoir quoi en faire, aussi bien sur le plan sentimental que professionnel. Trois nuances.


Dans cette famille nucléaire, il y a en outre le père un peu paresseux, veule, mais aimant, cherchant à faire ce qu’il peut pour sa femme et ses filles, joué par un Daniel Ceccaldi prêtant bien sa force tranquille à cette bonne pâte. Il y a la mère, portant la culotte, qui s’active pour insuffler de l’énergie à son petit monde.


Autrement, pour rendre un peu moins amer l’amertume d’ensemble, il y a régulièrement des moments de comédie, portés en grande partie par des visages très connus.


Déjà, il y a un caméo de Claude Lelouch (ce qui donne lieu à une séquence aussi amusante qu’absurde lors de laquelle le chien de la maison est amené fièrement au cinéma pour assister à une projection d’Un homme et une femme, dans lequel il a fait de la figuration !). Ensuite, il y a un fiancé bégayeur cachant bien son jeu, à qui Christian Pereira prête ses traits. Oui, c’est le médecin du Dîner de cons. Bonne transition avec le Veber en évoquant Jacques Villeret en chômeur plus occupé à lire des ouvrages marxistes que de rechercher un emploi. Il y a Jacques François, imbattable pour jouer les bourgeois autoritaires et cassants. Bernard Menez, en infidèle compulsif qui a du mal à étancher sereinement ses besoins en craignant sans cesse d’être surpris par son épouse.


Mais le morceau de choix est sans conteste Michel Galabru, savoureux en ancien militaire alcoolique, misogyne et aigri (ne voulant pas comprendre pourquoi sa femme a pu oser quitter un pauvre type comme lui !), aimant bien partager sa misère (ah, l’être humain n’est jamais aussi heureux que quand il parvient à rendre les autres aussi malheureux que lui !).


Bref, oscillant avec naturel entre rires et larmes, Confidences pour confidences est un film sur les “petites choses qui ont l’air de rien, mais qui donnent la paix” (oui, encore Bernanos !), sur les quelques instants de bonheur, sur les grandes déceptions, sur les blessures du destin. En résumé, sur la vie…

Plume231
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le 2 août 2022

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