Wan et l’Art de la Suggestion
(...) Attention, le ras de marée Conjuring : Les dossiers Warren débarque dans l’hexagone ! Aux commandes le maître de l’épouvante, James Wan, créateur de la franchise Saw, et réalisateur du brillant Insidious (2011). Le réalisateur japonais laisse ici la responsabilité du scénario aux deux frères Chad Hayes et Carey W. Hayes. L’histoire est racontée du point de vue des Warren et des Perron et met en exergue le décalage entre les deux couples. D’un côté, il y a les Warren, catholiques pratiquants et exorcistes réputés, qui estiment qu’il faut exorciser l’entité qui se nourrit de l’énergie de la famille,.et de l’autre les Perron, totalement dépourvus de sentiment religieux. Wan livre un long-métrage au climat anxiogène maîtrisé, inspiré d’une histoire vraie, qui eut lieu bien avant la célèbre affaire d’Amityville, également traitée par les deux démonologues Warren. Les principaux protagonistes de cette histoire, la famille Perron (à l’exception de la mère Carolyn Perron, encore traumatisée par ces événements datant d’une trentaine d’années) et Lorraine Warren, ont participé au tournage et donné leur aval au long-métrage.
Le cinéma de Wan est avant tout un cinéma d’anticipation, où la suggestion prévaut sur le sensationnel, le pouvoir de l’imaginaire sur celui de la vision, ce qui lui a valu parfois le qualificatif élogieux d’« Hitchcock de l’épouvante ». Ici, pas de jumps-scare inutiles, pas même une goutte de sang. Le spectateur ne voit rien, mais tout lui fait peur. Avec Wan, les portes de maison claquent ; des grincements, des bruits sourds se font entendre ; les horloges de la maison s’arrêtent toujours à la même heure ; des odeurs nauséabondes de putréfaction apparaissent ; les jeux de cache-cache et de claquements de main familiaux accueillent des intrus peu désirables; les fillettes sont tirées du lit par une main invisible ; des mystérieuses ecchymoses apparaissent sur le corps de Carolyn : les corbeaux s’écrasent sur la façade de la maison ; la cave devient une véritable plongée en enfer et le vide sanitaire, filmé caméra à l’épaule par des cadreurs rampants, un espace exigu encore plus lugubre …
(...) Conjuring, possède tous les ingrédients pour être le nouveau phénomène fantastique de l’été 2013. Conjuring évoque par ses décors et son esthétique les années 70, âge d’or du cinéma d’horreur, et témoigne de l’amour de Wan pour les films d’horreur à l’ancienne : L’Exorciste de William Friedkin (1973), Amityville : La Maison du diable de Stuart Rosenberg (1979). Malgré un cadre conventionnel, Conjuring est un thriller psychologique intelligent et élégant, une œuvre honnête et volontaire, au scénario véritablement angoissant et doté d’une grande richesse dramaturgique.