Slovénie, de nos jours. Centre de détention pour adolescents. Le réalisateur et scénariste Darko Stante, qui signe ici son premier long-métrage, connaît bien le sujet, puisqu’il a lui-même exercé dans de tels centres, en tant que tuteur. Univers mâle, caricaturalement viril, saturé de testostérone, chez ces jeunes hommes qui pratiquent plus volontiers la bourrade que la caresse, le coup que l’argument...


La caméra, très mobile, mais étonnamment douce et fluide, se fixe d’emblée sur Andrej (Matej Zemljič), qu’elle cueille lors de la soirée malheureuse qui le mène droit à son procès, puis dans ce centre de redressement, avec passage express, lui aussi catastrophique, par la case « maison ». En quelques traits habilement posés, est établi le dépassement complet de toutes les instances susceptibles d’incarner une autorité : arrogance face à la juge, indifférence, au mieux, menaces, au pire, vis-à-vis de parents dépassés et abattus par leur propre dépassement, désinvolture, bien vite, face au personnel de surveillance... Est ainsi campée une société qui aura failli à tous les niveaux de sa mission éducative. Sans surprise, s’en échappent de jeunes pousses folles, gorgées de sève, et entendant profiter au maximum de ce que le système laisse traîner à leur portée : argent frauduleux, drogues, voitures et essence volées, filles... Les adultes ont beau faire appel, à plusieurs reprises, aux « conséquences » qui menacent de tels agissements, les adolescents, lancés à pleine vitesse dans leur déconstruction, n’ont cure de ces mises en garde.


Dans ce monde qui ne valorise que la dureté et la violence, Andrej, plus doux et sensible, même si le scénario prend soin de le doter de muscles efficaces, est vite fasciné par Zelko (Timon Sturbej), qui semble concentrer en lui ces valeurs anti-sociales. Une attirance d’autant plus intense qu’elle s’avèrera réciproque, et que l’attrait pour le mâle-qui-frappe-fort pourra se muer en un autre mouvement, plus tendre, au-delà du déchaînement sexuel...


Mais comment composer avec la tendresse, l’amour, dans un monde où seule importe la carapace en acier chromé ? Comment inscrire, dans ses comportements, la conséquence de tels mouvements psychiques ? En deux éveils successifs, cruellement rapprochés, Andrej prendra conscience à la fois des fluides amoureux qui peuvent circuler en lui et de l’impossibilité de leur épanchement décomplexé dans une société qui refuse encore massivement l’homosexualité. Une impossibilité que risque de payer cher - ultime « conséquence »... -celui qui a suscité pareille émotion pour lui opposer, aussitôt, une telle résistance. L’armure dont il entendait revêtir son corps s’en trouvera en effet cruellement enfoncée.


Darko Stante entre sur la scène cinématographique avec un film à la fois âpre, rude, et tendre, envers et contre tout...

AnneSchneider
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le 13 juin 2019

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